ZAD partout, une stratégie révolutionnaire

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Un temps populaire auprès des militants écologistes et révolutionnaires, les Zones À Défendre (ZAD) soulèvent pourtant différentes questions sur leur capacité à profondément changer les rapports sociaux. Le caractère par définition local de ce type de lutte, ses rudes contraintes pratiques, sa composition sociale, ses difficultés organisationnelles et communicationnelles, ainsi qu’un horizon de désirabilité limité sont autant d’obstacles à son universalisation. Peut-on réellement lutter avec efficacité contre le capitalisme en taillant des enclaves ? La présente analyse cherche à discuter quelques-unes des failles de la ZAD en tant que modèle révolutionnaire, en guise de préliminaire à une réflexion critique sur l’articulation du local et du global dans l’optique d’un changement de société.

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Cet article a été écrit il y a quatre ans en parallèle de l’émergence des Zones À Défendre[1] (ZAD) en Europe. Depuis, certains débats ont évolué, la littérature sur la question s’est considérablement enrichie, et nos perspectives politiques ont évolué. Nous pensons néanmoins que notre texte peut toujours répondre à certains questionnements qui persistent aujourd’hui au sein du mouvement écologiste.

« ZAD Partout » : une stratégie révolutionnaire ?

L’expérience de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes influence depuis ses débuts en 2010 une partie du mouvement écologiste, ainsi que des militants révolutionnaires d’horizons différents. Peu à peu, des groupes militants comme des penseurs défendent la prolifération de ZAD comme une stratégie révolutionnaire, c’est-à-dire comme un moyen de transformer profondément la structure de nos sociétés capitalistes et les rapports que nous y entretenons. Ces groupes et individus se regroupent sous le slogan « ZAD partout » qu’ils défendent dans l’espace public, mais participent également à la création de nouvelles ZAD.

Ce texte se veut être une réflexion sur cette mouvance. Loin de remettre en question toutes les Zones À Défendre, nous souhaitons discuter ici une stratégie qui préconise d’adopter systématiquement la création de ZAD comme étant une fin en soi pour construire la révolution et ce, quel que soit le contexte.

Afin de réfléchir en termes de stratégie révolutionnaire, nous allons partir du postulat, à l’instar du sociologue marxiste E. O. Wright, qu’une stratégie révolutionnaire doit avoir une praxis qui 1) tend vers la massification 2) propose de meilleures conditions matérielles d’existence aux classes exploitées, un horizon de désir[2]. Après un rapide détour historique, nous discuterons quelques constats sociologiques communs aux ZAD afin de mettre en perspective ces deux conditions sine qua non.

Contexte historique et politique 

Les ZAD, telles qu’on les définit aujourd’hui, ont émergé en France dans un contexte post-mai 68, marqué par un désenchantement total face à l’avenir[3]. Cette période est caractérisée par la défiance envers les pouvoirs publics, encourageant les rassemblements d’initiatives individuelles, ainsi que par le développement des mouvements écologistes. Nous assistons à l’émergence d’une volonté de vivre, d’user de son temps et de consommer autrement. Dans ce contexte, les individu·e·s se tournent davantage vers leur bien-être personnel, avec comme risque de ne plus « prendre en considération l’intérêt général[4] ».

La recrudescence des ZAD dans les années 2000 est, elle, liée à la crise des référents théoriques de la gauche –– faisant suite à l’effondrement des régimes communistes –, à la marginalisation des organisations de gauche radicale, ainsi qu’à l’éclosion de mouvements populistes ou identitaires. En effet, les doutes d’une partie de la gauche par rapport aux diverses expériences communistes conduisent à des incertitudes quant à la stratégie et au programme politique à suivre pour changer la société. Cela, couplé à la montée de l’écologie, conduit finalement à une reformulation des idéaux socialistes par l’intégration de ces thématiques écologistes. Les ZAD et les zadistes sont révélateurs de cette crise des gauches radicales : « quand changer la vie est perçu comme un objectif inatteignable, changer sa vie peut apparaître comme une solution de rechange[5] ». Une opinion politique partagée par certaines franges anarchistes individualistes du mouvement écologiste dont les pratiques, comme le note Murray Bookchin, mènent à une « insurrection personnelle davantage qu’à la révolution généralisée[6] ».

Notons néanmoins qu’il existe une grande diversité des profils présents sur Zone, tant au niveau des origines sociales qu’au niveau des inspirations politiques[7], et que ces franges anarchistes individualistes n’ont évidemment pas le monopole de la ZAD. La ZAD est probablement interprétée et vécue de manière très différente par les militant·e·s écologistes déçu·e·s des autres répertoires d’action, les locaux et les autres franges fréquentant la Zone. Cela posé, il est tout de même interpellant de constater que les différentes compositions des Zones à Défendre, outre la défense du territoire qu’ils occupent, se rejoignent sur le sens donné à cette lutte : c’est une manière d’expérimenter de nouvelles façons de vivre. En effet, la grande majorité des zadistes s’accorde sur le fait que la ZAD ne sert pas que à défendre un lieu et constitue la possibilité de construire des manières de vivre alternatives ainsi que l’expérimentation « de la vie en collectivité et de différentes formes d’escapisme visant à créer des lieux et des modes de vie en rupture avec les modes d’organisation dominants[8] ».

Cette ambition de développer de nouvelles manières de vivre dans les interstices de la société, à l’écart des rapports de pouvoir dominants et de leurs normes d’organisation sociale s’inscrit dans ce que Wright nomme « stratégie interstitielle » et qu’il définit comme « une stratégie qui envisage la transformation comme un processus de métamorphose dans lequel de petites transformations successives produisent, en s’additionnant, un changement qualitatif au sein même du système social[9] ».

Toutefois, les pratiques relatives à ces stratégies « ne sont pas nécessairement subversives ou ne vont pas fatalement détruire la logique dominante du système[10] ». En effet, bien qu’elles contribuent au changement social, ces pratiques ne provoquent pas de « réelle transformation sociale » puisque celles-ci n’abordent pas la question de la prise du pouvoir politique (mais plutôt sa fuite) et ne visent pas un changement structurel de la société (mais plutôt la construction parallèle d’une autre société).

Quelques constats sociologiques à propos des ZAD 

Premier constat : une stratégie précaire

Toutes les ZAD sont différentes et ont émergé dans des contextes variés. De plus, elles réunissent des populations très hétérogènes et il y existe une grande mixité sociale[11]. Néanmoins, à travers les différents travaux de sociologie publiés sur le sujet, il est possible de mettre en lumière quelques constantes et structures communes. La sociologue Stéphanie Dechezelles a souligné le caractère extrêmement précaire de la stratégie zadiste[12] et a souligné trois principaux facteurs à l’origine de cette fragilité : en premier lieu, le style de vie zadiste qui procède d’une forte sélection sociale ; en deuxième lieu, la difficulté à rester zadiste ; et, en troisième lieu, le fait que le renouvellement et la durée de la ZAD dépend de « la conjonction d’un nombre important de paramètres (relations aux publics extérieurs à la ZAD, présence d’intermédiaires de la cause, état d’avancement du projet contesté, etc.)[13] » et est en dépendance par rapport aux riverain·e·s dont le soutien matériel et politique est généralement essentiel.

Le premier élément intervient en amont et concerne la forte sélection sociale à l’entrée même des zones à défendre. Bien que nous ayons mentionné précédemment l’hétérogénéité dans les profils présents sur Zone, « épouser la vie-ZAD, c’est d’une exigence qui restera pour longtemps hors de portée du nombre[14] ». Les habitant-e-s de ces zones ont en commun des éléments dans leurs parcours individuels, sur lesquels nous n’allons pas nous étaler ici, qui leur permettent – voire les poussent – à épouser cette vie-ZAD. Mais ce mode d’action reste grandement inaccessible à une majeure partie de la population en raison de contraintes économiques, physiques, d’enfants à charge, par manque de temps libre, etc.

À ces barrières, s’ajoute également un « paysage de désir » finalement peu désirable. En effet, la vie sur zone implique des contraintes hygiéniques, sanitaires et matérielles importantes : logements de fortune, accès limité à l’eau, à l’électricité, à internet, au chauffage, etc. Ainsi, promouvoir les « ZAD partout », c’est aussi appeler la classe travailleuse à abandonner une grande partie d’un certain confort qu’elle a gagné au cours des luttes menées ces derniers siècles. Cela nous semble donc être un mot d’ordre peu enviable pour mener la classe travailleuse dans ce mouvement écologiste. Et cela d’autant plus que les classes populaires cherchent à tout prix à se défaire du stigmate de la saleté et d’une vie précaire qui leur est accolé dans la société. Vanter les mérites de pratiques liées à la précarité comme le font les adeptes de la vie-ZAD ne fait qu’accentuer la distance sociale existante entre eux et les classes populaires.

Ensuite, l’auteure pointe comme deuxième facteur la difficulté de ce style de vie aux conditions éprouvantes. Cette difficulté peut devenir un « vecteur d’épuisement et facteur d’exit[15] » qui conduit généralement à la fuite du style de vie zadiste (temporaire ou définitive) pour les militant·e·s les plus doté·e·s en différents capitaux (économique, social et/ou culturel) – ce qui fragilise la pérennité des ZAD. D’autres zadistes, en l’absence de ces ressources, s’y maintiennent plus souvent par contrainte que par choix. Concernant cette présence par contrainte ou par choix, Dechezelles démontre également d’importantes variations d’intensité du degré de politisation des zadistes : certains le sont surtout par rejet individuel de « la norme sédentaire et du salariat » plutôt que par volonté de changer collectivement les rapports sociaux. Nous sommes loin de l’image des zadistes comme étant des individu·e·s hyperpolitisé·e·s telle que renvoyée par la ZAD de Notre-Dame-des-Landes[16].

Outre ces deux facteurs desquels résultent une instabilité dans les populations présentes sur les zones à défendre, Dechezelles met en avant l’hypermobilité des zadistes qui ont un style de vie qu’elle nomme « traveller ». Cette hypermobilité empêche une implication militante forte sur la zone et fragilise encore cette stratégie. En effet, comme nous l’expliciterons plus tard, il peut être difficile de s’organiser et de créer du politique en dehors du quotidien quand les ZAD sont caractérisées par des allers et venues de personnes qui envisagent leur séjour de diverses manières.

Les ZAD dépendent donc de l’alignement de ces différents facteurs et sont un mode de protestation « relativement fragile tant ses conditions de félicité sont difficiles à réunir[17] ». Ceci pourrait être pallié en s’inscrivant dans un mouvement social plus large ou via une organisation interne plus développée et mieux structurée.

Deuxième constat : une difficulté organisationnelle à l’interne et à l’externe

Cette hypermobilité des zadistes, couplée à la diversité des profils et des idéologies politiques présentes sur place ainsi qu’à la rudesse des conditions de vie, génère une difficulté à mettre en place des structures organisationnelles et décisionnelles démocratiques – quand ce processus ne fait pas tout bonnement l’objet d’un refus idéologique pur et simple. Les zadistes « s’organisent sans organisation », au sein même de leur zone. « Ce qui donne lieu à des expériences novatrices, mais également à l’absence de coordination et de programmation claire à l’échelle nationale ou internationale[18] ».

Cette stratégie évite de poser la question « des formes d’organisation les plus appropriées pour tracer les pistes de demain[19] » – ce que les ZAD revendiquent pourtant. Mais cela pose également certains problèmes concernant la façon de diffuser les idées et expériences zadistes au-delà de leurs communautés ou cercles affinitaires.

Aussi, Geneviève Pruvost ne manque pas de faire remarquer que les assemblées générales et réunions sont des moments très courts en comparaison au temps vécu sur Zone, où prévalent très largement les moments informels. Pour elle, la politique se fait au niveau du quotidien, dans la reproduction des besoins des zadistes avec une « politisation du moindre geste[20] » :

Le visiteur qui chercherait à assister à des commissions comme dans le mouvement des Indignés ou de Nuit Debout peinerait à en trouver sur une base quotidienne à la ZAD. Il y a bien des assemblées générales du mouvement (au rythme variable) et des habitants […] mais ces réunions ne constituent pas l’essentiel de l’activité journalière des occupants. Occuper la zone, c’est surtout s’occuper à la rendre habitable. Ce qui fait qu’à la question interloquée : « Mais qu’est-ce que vous fabriquez à la ZAD ? », il est possible de répondre : « On fabrique la ZAD. » « Fabriquer » la ZAD, c’est « faire de la politique avec son corps, avec sa vie » en intégrant dans un même continuum les activités destinées à l’assouvissement de ses besoins, les activités créatives et l’action militante[21].

Deux éléments cruciaux découlent de ce diagnostic. Premièrement, l’absence de structures est un terreau fertile aux relations asymétriques, à « l’expression de formes d’autorité (en particulier en raison des différentiels de titres scolaires ou de ressources sociales[22]) », ainsi qu’à la reproduction des rapports de domination. Pruvost souligne en effet qu’« un groupe occupe une position militante dominante selon les codes en vigueur sur le site[23] ». On est bien souvent loin de pratiques démocratiques. Ce manque de structures organisationnelles nous questionne également quant à la construction de pratiques innovantes et réellement alternatives concernant, par exemple, la répartition des tâches, la gestion des conflits et violences via, par exemple, la mise en place de processus de justice transformatrice.

Deuxièmement, il convient de poser la question suivante : est-ce suffisant, si l’on souhaite ébranler un minimum le capitalisme, de « fabriquer la ZAD » ? À nouveau, la ZAD est perçue comme une fin en soi. Nous pensons que ce schéma organisationnel à l’interne mais surtout à l’externe, couplé à l’inaccessibilité du lieu, contribue à couper les ZAD du reste des mouvements sociaux. En effet, hormis un potentiel ancrage au niveau local – selon les dynamiques, populations,… – il n’y a que peu de coordination avec l’extérieur. Cette absence de liens avec l’extérieur renforce la précarité de ce mode d’occupation qui risque de se refermer sur lui-même en se contentant de faire une « politique du quotidien ».

Nous pouvons néanmoins assister quelques fois par an à des rencontres et de gros évènements sur les différentes ZAD : à la ZAD de Hambach se tient à chaque saison un « skillshare », à Bure ont également lieu des festivals, il en est de même à la Borie, à Arlon, etc. Cette forme ponctuelle démontre bien la difficulté à s’organiser avec l’extérieur quand les liens effectifs se limitent à des invitations à venir sur Zone. Mis à part ces invitations – qui ne sont pas toujours visibles en dehors du milieu zadiste – les rapports entre ZAD ainsi qu’avec les mouvements sociaux finissent par dépendre de quelques individu·e·s, dont les zadistes « travellers » mentionnés plus haut. Ce qui pose des questions démocratiques, mais également stratégiques : est-ce de la sorte que nous allons construire des ponts entre les différentes luttes en cours et dépasser une convergence de posture pour construire la rupture avec le capitalisme ?

Vers une stratégie de rupture

Avec ces éléments, nous pouvons désormais aborder la question : « quelle finalité révolutionnaire à cette stratégie de la ZAD ? ». Quelques victoires zadistes ont fait la joie des adeptes, qui se sont écriés de plus belle « ZAD partout ». Malgré cela, nous ne pouvons nous empêcher de nous poser la question de l’impact des ZAD dans la lutte contre le système capitaliste, patriarcal et raciste.

De nombreux auteurs dénoncent les ZAD comme étant une stratégie de défection individuelle et locale, ce qui comporte le risque évident de la condamner à n’avoir qu’un impact minoritaire et isolé. Or, la fuite revient à laisser les systèmes d’exploitation prospérer et grandir et nous ne pouvons nous contenter d’ignorer l’État ou de proposer un exode.

Comme le souligne Wright, « bien que ces institutions alternatives et les efforts qui les sous-tendent incarnent les valeurs souhaitées et préfigurent des formes émancipées de rapports sociaux, elles ne remettent pas sérieusement en cause les rapports de pouvoir et de domination. Précisément parce qu’elles sont « interstitielles », ces alternatives ne peuvent investir que les espaces « autorisés » par le capitalisme[24] ». Il faut une transformation des rapports globaux qui structurent nos sociétés. Et « une somme de solutions microscopiques ne fait pas une solution macroscopique. On ne fait pas une formation sociale avec juste un recouvrement de ZAD, ou de « communes »[25]». Une multitude de ZAD sans rapports stabilisant leur coexistence sur un certain territoire est vouée à l’échec.

Cette stratégie interstitielle pourrait être prometteuse si elle était couplée à une stratégie de rupture, c’est-à-dire une stratégie offensive « visant à transformer le capitalisme dans son ensemble[26] ». Or, comme nous l’avons vu tout au long de cet article, la structure même des ZAD est précaire, présentant une difficulté à s’organiser et à se coordonner, faisant reposer l’organisation globale sur les initiatives de quelques individu·e·s. De plus, nous avons également mentionné que cette stratégie n’offrait pas l’horizon d’un « meilleur avenir » et désintéresse une majorité des classes exploitées. Quelles que soient les volontés et les individualités en présence, ces conditions nous semblent constituer un énorme frein au potentiel révolutionnaire des ZAD.

Finalement, comme l’explique Wright, les stratégies interstitielles :

peuvent même renforcer [le capitalisme] en canalisant les mécontentements et en entretenant l’illusion qu’il suffirait de vivre à l’écart des institutions dominantes dans le cadre d’un espace alternatif pour surmonter un sentiment d’insatisfaction. En fin de compte, les replis interstitiels désinvestissent la lutte politique en vue d’une transformation sociale radicale et ne constituent pas une stratégie viable pour parvenir à une telle fin. Au mieux, les alternatives interstitielles peuvent modestement contribuer à améliorer le quotidien de certaines personnes ; au pire, elles détournent les forces politiques d’un projet global d’émancipation[27]

Conclusion :

« Être radical, c’est être radical par rapport à une situation concrète, en y trouvant la position la plus avancée qui peut gagner le plus grand soutien. En dehors de cela, la “radicalité” est une folie, ou un geste purement esthétique[28]».

Quels enseignements tirer de ces réflexions sur la stratégie ZAD afin d’atteindre la rupture ? En tant que tactique, nous l’avons déjà mentionné, les ZAD peuvent présenter différents intérêts : elles forcent le débat sur la « bétonisation », questionnent le concept de « nature », fonctionnent par prix libre, démontrent l’importance d’avoir des lieux militants, etc. Par ailleurs, nous pensons qu’un « pluralisme stratégique[29] » est nécessaire à la rupture, nous prônons une « diversité des tactiques » au sein d’un cadre théorique matérialiste qui prend en compte la conjoncture pour définir ses pratiques. Il est important d’expérimenter, de tester diverses tactiques et ne pas rester figé dans une idée – que ce soit celle de la ZAD ou une autre.

La visée politique qu’une stratégie révolutionnaire doit permettre est celle du combat contre l’exploitation et les oppressions qui en découlent pour tous, et non pas seulement œuvrer à la création d’îlots fragiles. Nous devons nous inscrire dans une vision théorique socialiste et matérialiste – qui nomme son ennemi comme étant le capitalisme sans se perdre dans des fétiches tels que la civilisation ou d’autres structures totalisantes auxquelles on attribue force de loi – qui se doit d’être mise en pratique de manière concrète. Et cette concrétude ne signifie pas nécessairement – et encore moins exclusivement – de la politique du quotidien en vivant en communauté, cela implique de s’inscrire dans les mouvements sociaux et de travailler à faire des ponts, de manière structurée, entre ceux-ci. Cela implique également d’être sur les piquets de grève, de soutenir les travailleuses·eurs avec ou sans papiers, quand bien même ils auraient des revendications considérées « réformistes », afin d’y proposer une orientation révolutionnaire. Cela signifie qu’il faut pouvoir mettre de côté ses volontés d’émancipation individuelle et réaffirmer l’importance d’une stratégie collective qui vise l’émancipation de toutes et tous.

  • [1] « L’expression zone à défendre (ZAD) est un néologisme militant utilisé en France, en Belgique et en Suisse pour désigner des espaces occupés illégalement par des activistes, souvent issus de l’extrême gauche, dans le but de s’opposer à des projets de construction jugés néfastes pour l’environnement. Les ZAD prennent généralement la forme de squats en plein air et servent également de lieux de vie autonome », Wikipédia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Zone_%C3%A0_d%C3%A9fendre. Citons par exemple la ZAD d’Arlon en Belgique et la ZAD de Notre-Dame-des-Landes en France.
  • [2] Wright Erik Olin, Utopies réelles, Paris, La Découverte, 2017.
  • [3] Govaert Serge, Mai 68 en Belgique, Anvers, EIK, 2018.
  • [4] Idem.
  • [5] Johsua Florence, Anticapitalistes. Une sociologie historique de l’engagement, Paris, La Découverte, 2015.
  • [6] Bookchin Murray, Changer sa vie sans changer le monde. L’anarchisme contemporain entre émancipation individuelle et révolution sociale, Marseille, Agone, 2019.
  • [7] Dechezelles Stéphanie, « Une Zad peut en cacher d’autres. De la fragilité du mode d’action occupationnel », Politix, n°117, 2017.
  • [8] Johsua Florence, Anticapitalistes. Une sociologie historique de l’engagement, op. cit., p. 244.
  • [9] Wright Erik Olin, Utopies réelles, op. cit., p. 406.
  • [10] Ibid., p. 408.
  • [11] Pruvost Geneviève, « Critique en acte de la vie quotidienne à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (2013-2014) », Politix, n°117, 2017.
  • [12] Dechezelles Stéphanie, « Une Zad peut en cacher d’autres. De la fragilité du mode d’action occupationnel », art. cit.
  • [13] Ibid., p. 96-97.
  • [14] Lordon Frédéric, « Marier réalisme et utopie. Et la ZAD sauvera le monde… », Le Monde Diplomatique, octobre 2019, URL : https://www.monde-diplomatique.fr/2019/10/LORDON/60498, consulté le 13 mars 2024.
  • [15] Dechezelles Stéphanie, « Une Zad peut en cacher d’autres. De la fragilité du mode d’action occupationnel », art. cit., p. 105.
  • [16] Idem.
  • [17] Ibid., p. 115.
  • [18] Johsua Florence, Anticapitalistes. Une sociologie historique de l’engagement, op. cit., p. 245.
  • [19] Idem.
  • [20] Pruvost Geneviève, « Critique en acte de la vie quotidienne à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (2013-2014) », Politix, n°117, 2017.
  • [21] Idem.
  • [22] Dechezelles Stéphanie, Maurice Olive, « Les mouvements d’occupation : agir, protester, critiquer », Politix, n°117, 2017.
  • [23] Pruvost Geneviève, « Critique en acte de la vie quotidienne à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (2013-2014) », art. cit.
  • [24] Wright Erik Olin, Utopies réelles, op. cit., p. 410-411.
  • [25] Lordon Frédéric, Marier réalisme et utopie. Et la ZAD sauvera le monde…, Le Monde Diplomatique, octobre 2019, URL : https://www.monde-diplomatique.fr/2019/10/LORDON/60498, consulté le 13 mars 2024.
  • [26] Wright Erik Olin, Utopies réelles, op. cit., p. 406.
  • [27] Ibid., p. 411.
  • [28] Citation issue d’un article du site, désormais supprimé, Anker Mag.
  • [29] Wright Erik Olin, Utopies réelles, op. cit., p. 467.