Permanences Critiques
Permanences critiques est une revue de recherche qui se propose de produire des savoirs critiques.
Critiques, d’abord, car ils abordent les phénomènes sociaux dans leur complexité pour en cerner les structures profondes.
Critiques, ensuite, car ils assument leur ancrage dans les mouvements de transformation sociale pour y déployer des perspectives stratégiques.
Critiques, enfin, car ils explicitent les arguments qui les soutiennent pour permettre aux lecteur·rice·s de se positionner de manière autonome.
contact : permanencescritiques@arc-culture.be
Écologie, alternatives et capitalisme : glissements de terrain
La crise écologique sera sans doute le point de basculement du système-monde capitaliste. Mais, justement, vers quoi basculera-t-il ? Tout l’enjeu est là. S’il faut encore espérer autre chose qu’une catastrophe majeure, il est crucial d’œuvrer à construire des alternatives à cette économie fondamentalement écocide. Mais l’ébauche d’un monde post-capitaliste n’est pas chose aisée à tracer – d’autant que les logiques de récupération, de captation ou de neutralisation que l’ordre dominant déploie pour assurer sa perpétuation sont complexes, intriquées, et redoutablement efficaces. Entre désirs consuméristes, glorification de la résilience, apories des luttes de petite échelle et effets pervers de sous-systèmes palliatifs, ce dixième numéro de Permanences Critiques tente de fournir des éléments de réflexion critique pour tous·tes celleux – citoyen·nes, militant·es, associations, collectifs, etc. – qui œuvrent, à toutes échelles, à bâtir d’autres modèles que celui du capitalisme.
Éditorial
À l’heure où la question environnementale devient de plus en plus alarmante, l’idéologie capitaliste est si profondément ancrée dans les esprits qu’elle semble s’imposer comme la seule voie possible. Entre les cris d’alerte qui ne cessent d’émaner de la communauté scientifique et l’inexorable course à la croissance qui anime les économies extractivistes, le début du siècle semble bel et bien pris entre deux feux. Pourtant, les politiques composent avec les exigences du néolibéralisme, avec cette « réalité » dont il s’agit de tenir compte lorsque l’on aborde, par exemple, le changement climatique et son lien avec nos émissions carbonées. L’économie a ses raisons que la raison, décidément ignore. Dans cette perspective, penser contre le capitalisme revient, presque, à penser contre la nature humaine. Pourtant, nombreux·ses sont celleux qui ne s’en laissent pas conter, et refusent de souscrire à cette prophétie autoréalisatrice d’une humanité vouée à survivre dans le capitalisme ou à finir avec lui.
Dans ce contexte, le dossier de ce dixième numéro de Permanences Critiques revient au cœur de la tension entre le capitalisme mondialisé, qui peut compter son caractère écocide en bonne place parmi les nuisances qu’il génère, et les alternatives qui cherchent à émerger au sein de ce système. Économie circulaire, collectifs écologistes, communautés autogérées ou autonomes, circuits courts, zones à défendre, recycling et upcycling, décroissance ; autant d’appels, divers, pluriels, à d’autres mondes possibles. Autant de chemins tracés vers des territoires inconnus, souvent avec les moyens du bord, dans l’espoir de faire une différence. Dans une entreprise par définition tâtonnante, et qui en outre doit composer avec l’urgence des problèmes écologiques en même temps qu’elle s’inscrit nécessairement dans la temporalité lente du changement sociétal, la question est permanente : comment en évaluer la portée, la justesse, la pertinence ? Comment éviter les écueils et résister aux forces de récupération d’une économie mondialisée qui, de tout, fait marchandise et source potentielle de profit ?
Ces questions cruciales sont bien entendu celles des initiatives de résistance écologique, mais elles sont également celles qui accompagnent au quotidien les structures de la société civile et associative, en particulier depuis que le « non-marchand » s’expose chaque jour davantage à une « chalandisation » de ses structures, à une étatisation instrumentale de ses missions, à une mise au pas néolibérale sauvage qui – petit à petit – grignote les quelques espaces de solidarité que les associations étaient parvenues à consolider et promouvoir. Comment faire autrement que le marchand est donc une question qui, plus que d’être gravement d’actualité, nous est apparue comme le cœur même de notre réalité quotidienne. La poser à partir de l’urgence écologique nous semblait, alors, un excellent moyen de rappeler que la préservation de la possibilité du vivant et la défense de logiques anti-capitalistes et non-marchandes constituent une seule et même ligne d’horizon.
En guise d’ouverture à ce dossier, l’étude de Benoît Halet cherchera à poser les bases d’une réflexion sur les tensions entre les désirs capitalistes et postcapitalistes à partir d’une critique du récit dominant qui, tout à la fois, façonne notre imaginaire collectif et guide notre agir politique : celui du capitalisme comme système totalisant, naturalisé, auquel on peut éventuellement résister sans pour autant le dépasser.
Dans son analyse, Thierry Ribault met en lumière une stratégie spécifique de neutralisation des luttes écologiques, à travers l’examen du concept de résilience comme technique du pouvoir. En déconstruisant cette notion, l’auteur révèle les mécanismes de consentement au statu quo et appelle à une remise en question radicale des structures de pouvoir existantes, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles formes de solidarité et de mobilisation.
L’analyse d’Igor Dejaiffe mettra ensuite dos à dos la légitimité de la lutte écologique et celle, particulière et redoutablement effective, des intérêts de productivité dictés par le système capitaliste. S’il faut les comprendre comme deux espaces de légitimité à prétention globale, et s’ils sont bel et bien incompatibles, il s’agira alors de comprendre pourquoi le premier peut être systématiquement relégué à l’échelle locale par le second.
À propos d’échelle locale et d’enjeux de lutte globale, Juliette Léonard et Miguel Schelck signent une réflexion sur les Zones À Défendre (ZAD) en tant que stratégie révolutionnaire. Tant dans leur structure organisationnelle que dans leur composition sociologique et leur horizon de désirabilité, les ZAD tendent à être confrontées à de nombreux problèmes qui les empêcheraient d’accéder à l’universalisation.
Enfin, l’analyse de Mona Malak remontera le fil des Donneries Nomades organisées par l’ARC pour aborder la problématique complexe des déchets textiles et de leur gestion. Entre colonialisme des déchets et effets pervers de l’économie circulaire, cette analyse permet de saisir les enjeux globaux susceptibles d’enserrer une alternative particulière à l’économie néolibérale – la fast fashion, en l’occurrence.
Dans un varia pas si éloigné des problématiques abordées dans le dossier de ce dixième numéro, Nicolas Marion revient, à partir de la position assignée aux personnes touchées par la grande pauvreté et aux résistances subjectives qu’ils y opposent, sur la manière dont la militance et la critique intellectuelle de gauche doit toujours, inexorablement, réfléchir sa relation avec cette altérité qu’elle entend représenter, organiser et soutenir dans la lutte.
Ce dossier de Permanences Critiques s’accompagne d’un double événement. D’abord, la revue fait peau neuve, grâce au concours du travail graphique d’Anaëlle Golfier : nous la remercions pour son superbe travail et souhaitons que ce nouveau design contribue à rendre la revue encore plus lisible, appropriable et, finalement, adaptée à ses lecteurs et lectrices ! Ensuite, il s’agit du dixième numéro, chiffre symbolique qui mérite qu’on lui colle un effet « célébratif » : nous ouvrons avec lui une quatrième année pour cette publication critique, fruit de beaucoup d’enthousiasme et espace de liberté intellectuelle et stratégique dont nous sommes fiers. Merci à vous d’y contribuer par vos lectures attentives, et par vos abonnements !
Se connecter pour accéder au contenu réservé aux abonnés
Contenu | Titre | Aut.eur.rice | Lien |
---|---|---|---|
Éditorial | Écologie, alternatives et capitalisme : glissements de terrain | Secrétariat de rédaction | Lire l’éditorial |
Étude | Réalisme capitaliste et alternatives | Benoît HALET | Lire l’étude |
Analyse | Contre la résilience et son monde | Thierry RIBAULT | Lire l’analyse |
Analyse | Au nom de quoi la lutte se forme ? | Igor DEJAIFFE | Lire l’analyse |
Analyse | ZAD partout, une stratégie révolutionnaire | J. LÉONARD et M. SCHELCK | Lire l’analyse |
Analyse | Déchets textiles et économie circulaire | Mona MALAK | Lire l’analyse |
Varia | Construire la « classe qui souffre le plus » | Nicolas MARION | Lire la publication |
Consultez les numéros précédents
Logement : Conflits & Contre-Feux
Une crise du logement sans précédent sévit un peu partout en Europe, et tout porte à croire qu’elle n’en est qu’à ses débuts. Le dossier de ce neuvième numéro de Permanences Critiques se propose d’explorer cette situation qui voit se creuser des inégalités dramatiques autour de ce qui, d’abord et avant tout, constitue un bien de toute première nécessité. Face à cette catastrophe en marche, il n’est pas étonnant de voir affleurer des réactions, des mutations, des lignes de résistance. Nous en aborderons ici quelques-unes, qui, pour différentes qu’elles soient, permettent toutes de jeter un regard neuf sur les multiples couplages qui s’opèrent dans le secteur du logement, entre évolution de logiques économiques et mutations sociétales.
Éditorial
Une crise du logement sans précédent sévit un peu partout en Europe, et tout porte à croire qu’elle n’en est qu’à ses débuts. Le dossier de ce neuvième numéro de Permanences Critiques, intitulé « Logement : conflits & contre-feux » se propose d’explorer cette situation, inédite dans l’histoire de nos sociétés contemporaines depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui voit se creuser des inégalités dramatiques autour de ce qui, d’abord et avant tout, constitue un bien de toute première nécessité.
Par bien des aspects, les forces économiques, symboliques et sociales qui travaillent le marché du logement en Belgique sont très similaires à celles qui structurent les graves problèmes auxquels sont confrontés nos voisins français, allemands et britanniques. De manière générale, l’explosion du prix des biens immobiliers s’explique tout à la fois par la raréfaction de l’offre, la concentration des capitaux et la financiarisation du logement. D’où une augmentation stupéfiante du montant des loyers sur un marché où l’accès à la propriété est confisqué aux mains d’une classe privilégiée par son capital foncier, financier et, faut-il le rappeler, générationnel. Pour les jeunes actifs des générations Y et Z, l’alternative n’est guère réjouissante, mais a le mérite de se présenter simplement : hériter ou louer. Dans un contexte de crises enchâssées et de précarisation galopante, il y a tout lieu de voir dans la fragilisation de ce public précis le symptôme le plus évident du gouffre abyssal qui se creuse entre les nantis et les plus vulnérables. En effet, la paupérisation fait tache d’huile, et c’est aujourd’hui une nouvelle tranche de la population qui se trouve confrontée aux graves problèmes qui font le quotidien des classes populaires, des personnes marginalisées ou en voie de marginalisation, des individus isolés, migrants et autres « expatriés »… Bref, tous ceux qui, contraints de se plier à la sacro-sainte flexibilisation vendue par l’habitus néolibéral comme la pierre angulaire de la relance économique, se trouvent le plus souvent piégés dans une instabilité structurelle, pétrifiés dans une situation sclérosante et sans issue.
Face à cette catastrophe en marche, il n’est pas étonnant de voir affleurer des réactions, des mutations, des lignes de résistance. Nous en aborderons ici quelques-unes, qui, pour différentes qu’elles soient, permettent toutes de jeter un regard neuf sur les multiples couplages qui s’opèrent dans le secteur du logement, entre évolution de logiques économiques et mutations sociétales. Repenser l’économie du logement, et à plus forte raison agir sur elle, c’est toujours aussi avoir un effet très intime sur la vie des gens qui habitent – ou désespèrent d’habiter – les biens que cette économie met en circulation.
En guise d’ouverture, l’étude de Mona Malak prend comme point de départ un entretien avec des membres actifs du collectif « Grève des loyers – Huurstaking Belgiëque », à l’origine de l’appel à la grève des loyers. Cet appel survint suite à l’impasse dans laquelle se sont retrouvés un nombre significatif de locataires à l’occasion de cette suspension généralisée qu’occasionna la crise du Covid-19, et qui se traduisit (faut-il le rappeler ?) par une perte nette de revenus pour des pans entiers de la population active. L’échec de l’appel à la grève fut toutefois l’occasion de réorienter l’action du collectif vers l’aide et le soutien aux locataires les plus fragilisés dans leur rapport avec leurs bailleurs. L’examen de ce sursaut utopique et des lignes de partage dans lesquelles il a fini par se fondre sera ainsi l’occasion de repenser le rapport entre propriétaire-bailleur et locataire comme un authentique rapport d’exploitation, structurellement apparenté à celui qui existe dans les rapports de production entre le capitaliste bourgeois et le prolétaire exploité dans un rapport de salariat. En effet, une fois le salaire versé d’une classe sociale à l’autre, on peut voir ici la boucle de rétroaction par lequel ce salaire, par des moyens détournés, revient in fine aux mains de la classe possédante.
Dans le prolongement de ces considérations socio-économiques, l’entretien que nous a généreusement accordé Charlotte Casier sera l’occasion d’examiner l’émergence de nouvelles formes d’investissement du logement, en un double sens. En effet, il s’agira de revenir sur la prolifération des complexes de coliving, qui proposent une toute nouvelle manière d’habiter son chez-soi centrée sur les besoins spécifiques d’une population principalement composée de jeunes actifs mobiles issus de milieux aisés, et qui constituent l’un des symptômes de la financiarisation du logement dans un contexte de flou juridique autour de ces nouveaux habitats hybrides.
Avec Raphaël D’Elia, nous quitterons ensuite le vernis des espaces de coliving pour revenir de manière critique sur les Projets de Cohésion Sociale mis en place dans les complexes de logements sociaux à la suite des tensions et des violences qui animaient les quartiers les plus paupérisés au tournant des années 90, et qui ont culminé avec les fameuses émeutes de Forest. D’Elia, riche d’une expérience de terrain dans ce type de dispositif, nous invite à en réfléchir la portée et l’utilité en termes de rapports de force, quitte à y voir une tentative de pacification des quartiers populaires et à réfléchir à nouveaux frais le travail social qui se déploie dans ces zones à l’intersection de tous les facteurs de précarité.
Pour finir, et puisque l’on évoque le terme même de « précarité », Laurent d’Ursel nous invitera à renouveler notre arsenal lexical pour penser les territoires du mal-logement et du non-logement, encapsulés dans cette nouvelle formule de « sans-chez-soirisme ». L’expression, qui n’est que l’un des dix-sept mots qu’il s’agirait d’employer pour rebattre les cartes d’un problème sociétal et non social ou sanitaire, rappelle à juste titre que vivre à la rue n’est qu’une des formes particulières que prend cette fragilisation fondamentale : celle qui consiste, non pas à ne pas avoir d’abri, mais à ne pas avoir de chez-soi, entendu ici comme un îlot sécurisé de relâchement, de ressourcement et de respiration. Car, d’après l’auteur, c’est bien là un choix de société totalement éluctable (au sens de non-inéluctable) que de voir grossir jour après jour les rangs de ceux que la crise du logement touche plus ou moins durement. À rebours, donc, de ce que le langage usuel et les schèmes de pensées courants de la fait-diversification de la misère nous conduisent à penser, l’abolition du sans-chez-soirisme est bien l’objet d’un choix politique tout à fait réaliste, et réalisable. En outre, la publication de ce texte est l’occasion pour nous de faire droit à l’élaboration d’un référentiel conceptuel et pratique, fruit de plus d’une décennie de travail, d’expériences et de militances au sein du secteur bruxellois de « lutte contre la grande pauvreté », notamment via DoucheFLUX et le Syndicat des Immenses. Puisque l’ARC a été un partenaire de premier plan dans cette lutte, la présente étude nous permet aussi de proposer un genre de synthèse des outils conceptuels à partir desquels nous nous orientons pour penser le sans-chez-soirisme et les multiples oppressions dont il est le nom.
Pour clôturer ce numéro, le varia de Déborah Brosteaux tente l’exercice difficile de démêler les impossibles gesticulations morales qui traversent les lectures européennes de ces « nœuds indénouables » qui traversent et structurent depuis trois quarts de siècle ce qu’on qualifie, de manière parfois réductrice, de « conflit israélo-palestinien ». Entre culpabilité liée à la Shoah, échos de politique coloniale, silences éloquents, partialité médiatique et affects entremêlés, les horreurs de cette guerre littéralement interminable ont récemment pris un tournant décisif qui relance la double contrainte. Le cri « Plus jamais ça ! », poussé par des voix innombrables et contradictoires devient ici injonction à les prendre toutes en compte, si difficile que cela puisse être. Dans l’écheveau des affects et des drames entremêlés, pas question de silencier ou d’élire les justes. C’est à ce prix qu’il sera possible d’entrevoir, si pas une solution définitive – et encore moins une position morale confortable –, au moins une voie qui évite l’écueil du manichéisme, même diffus, même bien intentionné.
Se connecter pour accéder au contenu réservé aux abonnés
Contenu | Titre | Aut.eur.rice | Lien |
---|---|---|---|
Éditorial | Logement : Conflits & Contre-Feux | Secrétariat de rédaction | Lire l’éditorial |
Étude | Grève des loyers : le locariat comme rapport d’exploitation | Mona MALAK | Lire l’étude |
Entretien | Coliving, financiarisation du logement et failles juridiques | Charlotte CASIER | Lire l’entretien |
Entretien | Projet de cohésion sociale : forcer la paix ou construire la lutte ? | Raphaël D’ELIA | Lire l’entretien |
Étude | 17 mots pour en finir avec le sans-chez-soirisme | Laurent D’URSEL | Lire l’étude |
Varia | « Plus jamais ça » – Autour des actualités d’un cri | Déborah BROSTEAUX | Lire la publication |
Politisations Numériques
Ce huitième numéro de Permanences Critiques invite à interroger les processus numériques actuels pour en faire un objet politique plus saisissable. Alors qu’ils sont caractérisés par un manque frappant de formes de délibérations politiques, il semble plus que nécessaire d’en identifier les lignes de clivages idéologiques et les endroits où peuvent se déployer un encadrement et une régulation des outils numériques.
Éditorial
Dans ce huitième numéro de Permanences Critiques, intitulé « Politisations numériques », nous proposons un dossier consacré à la construction de la question numérique en tant qu’objet politique afin de rendre davantage saisissables les processus forcés de numérisation en cours, en particulier ceux qui, actuellement, se déploient au sein des services et administrations de l’État dits d’intérêt général. Ce sujet nous semble d’autant plus nécessaire que l’accélération de ces processus, ces dernières années, ne s’est pas suffisamment accompagné, parallèlement, de formes de délibérations politiques sur la question numérique. La numérisation semble presque toujours se réaliser sous le joug de l’inévitabilité et de l’évidence du progrès technologique et, lorsque des débats publics s’imposent, le carcan étroit des lieux communs d’un discours dominant et omniprésent empêche souvent de penser autrement les défis et les enjeux du numérique. Pour s’émanciper de cet état de fait, il semble important de réfléchir aux manières de politiser le numérique afin, d’une part, d’identifier les lignes de clivages idéologiques, à même de rendre explicites et de situer des positionnements – notamment partisans – sur la question ; mais, aussi, de relever des pistes et des outils constituant autant de possibilités de réappropriations et d’encadrement du techno-capitalisme. Ce faisant, le dossier de ce numéro répond à l’appel lancé par la campagne de l’ARC « Politiques numériques : demandez le programme ! » visant à interpeller les pouvoirs publics sur les décisions politiques en matière de numérique.
Pour ce faire, ce dossier aborde les processus de numérisation sous deux angles. Le premier interroge les formes de domination et d’exercice du pouvoir qui sont véhiculées par les technologies numériques lorsqu’elles sont utilisées au service d’une gouvernementalité par les données. A partir de cas singuliers, les contributions à cet axe donnent à voir comment, derrière la dématérialisation des administrations et des services publics, se déploient de nouvelles pratiques gouvernementales qui, par les bases de données et les outils algorithmiques, reconfigurent les missions et principes des services d’intérêt général. Elles attestent systématiquement de formes de régression démocratique, non seulement quant au manque de débat et de concertation sur la numérisation de ces dits services, mais aussi quant aux effets des technologies numériques sur les relations entre les citoyens et les États. Un constat transversal et évident s’impose : l’opacité, la complexité et la réticularité des outils algorithmiques se traduisent actuellement dans le renforcement autoritaire de la puissance publique. Partant, le deuxième axe du dossier interroge les possibilités et les façons de politiser la numérisation afin de (re)trouver des prises sur les processus en cours. Depuis un champ de positionalité large, les contributions de cet axe interrogent, d’une part, les référentiels dominants et les lieux d’énonciation de la question numérique et invitent à déconstruire les usages et les discours dominants de la numérisation actuelle. D’autre part, elles défendent des pistes pour encadrer les outils numériques, allant de l’abolition pure et simple d’algorithmes de classification dans les administrations à un usage strictement contrôlé de leur utilisation.
Ouvrant ce numéro, l’étude de Cécile Piret propose de déconstruire l’idéologie dominante des politiques numériques actuelles, constituée par la combinaison d’un solutionnisme technologique et d’un positivisme digital, et qui portent un peu trop bien les intérêts des entreprises technologiques privées. C’est depuis la critique de la rationalité de cette idéologie que peuvent alors être pensées de manière critique les conséquences de son application, en particulier lorsque ce paradigme s’applique aux services publics. L’auteure défend alors que la numérisation de ces services est concomitante d’une extension de la bureaucratisation néolibérale de la vie quotidienne et en identifie les formes accentuées de domination et de violence sur les citoyens.
L’analyse de la Quadrature du Net, parue initialement en octobre 2022, porte sur l’utilisation d’un algorithme de classement par la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) en France. Ils y montrent, sans détour, la chasse aux pauvres numérisée à laquelle la CAF s’adonne via l’entraînement de son algorithme. Le travail d’investigation du collectif, déjà important par son objet, devient d’autant plus instructif qu’il se confronte à une volonté délibérée de l’administration française d’entretenir l’opacité de l’algorithme.
Nicolas Marion, ensuite, propose une analyse de la montée en puissance du référentiel de l’inclusion numérique à partir de l’articulation entre la formulation d’une problématique sociale appropriée par la société civile et la constitution par l’État d’un marché associatif lui correspondant. L’analyse se propose alors de voir dans quelle mesure les formes de politisation de la problématique numérique que nous pouvons actuellement observer dans le secteur associatif ne dépendent pas, en fait, de la façon dont l’État belge entend encadrer (et limiter) le débat sur la numérisation à des options compatibles avec le modèle néolibéral. Ces éléments sont rendus particulièrement explicites dès lors qu’on observe et analyse la façon dont se structure le marché associatif (fait de subsides et de donations diverses, et d’appels à projets correspondants) mis en place par les pouvoirs publics pour discriminer les opérateurs associatifs actifs dans ces domaines relatifs à « l’inclusion numérique ».
Les analyses d’Elise Degrave et de Florian Jaton proposent quant à elles une série d’outils pour réguler l’usage de technologies numériques. Elise Degrave, partant du constat que la digitalisation rapide et aveugle des administrations publiques constitue un affront à la démocratie, relaie l’appel à un moratoire des outils numériques et défend la mise en place d’un État de droit numérique, au sein duquel les citoyens pourraient se prévaloir de garanties juridiques quant au respect des droits fondamentaux face au numérique. Florian Jaton, quant à lui, montre que la régulation politique des processus de numérisation passe nécessairement par une réflexion autant technique qu’éthique. Rendant compte d’une série d’outils existants, l’auteur montre que les algorithmes peuvent être encadrés à la fois au moment de leur conception et de leur diffusion. L’auteur défend notamment que la mise en place d’une fiche de contrôle de qualité de l’algorithme pourrait systématiquement être établie pour permettre une plus grande transparence et la prise en compte de considérations morales.
A la suite de ce dossier, nous proposons la lecture de deux articles en varia issus d’interventions réalisées lors des conférences du Rethinking Poverty, lieu d’échanges et de réflexions sur des sujets au croisement du secteur social/santé et du sans-abrisme, organisées en partenariat avec l’asbl Doucheflux. Marc-Henry Soulet, à cette occasion, développe une réflexion quant aux particularités de la relation d’accompagnement des personnes dites « grands vulnérables ». Dans la continuité de ses travaux autour de la notion d’accompagnement social palliatif, il propose des principes-clés pour l’action sociale à même de rendre possible ce travail complexe mais indispensable « d’affiliation avant tout ». Eleni Alevanti, quant à elle, nous invite à penser la psychiatrie sous le prisme de l’injustice épistémique afin d’identifier et de donner à penser les rapports de pouvoir qui s’exercent dans la relation entre les professionnels de la santé et les personnes psychiatrisées. Elle y défend une posture de dés-épistémologie capable de rompre avec le monologue du savoir psychiatrique actuel.
Se connecter pour accéder au contenu réservé aux abonnés
Contenu | Titre | Aut.eur.rice | Lien |
---|---|---|---|
Éditorial | Politisations Numériques | Secrétariat de rédaction | Lire l’éditorial |
Étude | Numérisation des services publics et gouvernance néolibérale | Cécile Piret | Lire l’étude |
Analyse | CAF : le numérique au service de l’exclusion et du harcèlement des plus précaires | La Quadrature du Net | Lire l’analyse |
Analyse | Le numérique comme marché associatif | Nicolas MARION | Lire l’analyse |
Analyse | Numérisation de l’administration publique : allier technologie et droits humains | Elise DEGRAVE | Lire l’analyse |
Analyse | Pour une explicitation généralisée du développement algorithmique : conception-problématisation et diffusion-performance | Florian JATON | Lire l’analyse |
Varia | Affilier avant tout. Les conditions d’un travail inconditionnel auprès des « grands vulnérables » | Marc-Henry SOULET | Lire la publication |
Varia | Navigations épistémiques à l’encontre du monologue de la psychiatrie | Eleni ALEVANTI | Lire la publication |
Au-delà des violences : nommer, réparer, transformer
Ce septième numéro de Permanences Critiques entend déplier la question des violences et de ses possibles réparations ou transformations, à partir de trois situations singulières de violences mais posant des enjeux transversaux en termes d’analyse critique : les violences domestiques, psychiatriques et coloniales. Partant, il s’agira de questionner la gestion des conséquences de ces violences et de penser leur réparation. La question des réparations soulève celle des stratégies à long terme pour prévenir la répétition de la violence. Pour ce faire, ce numéro défend qu’il est primordial de reconnaître et de qualifier de systémique la nature des violences et de leurs effets. C’est seulement à partir de cette reconnaissance et de sa traduction dans des dispositifs spécifiques que des formes de justice peuvent prétendre à une transformation sociétale globale, au-delà de la reproduction des violences.
Éditorial
Le dossier de ce septième numéro de Permanences Critiques, intitulé « Au-delà des violences : nommer, réparer, transformer », entend déplier la question des violences et de ses possibles réparations ou transformations, à partir d’un patchwork analytique de plusieurs formes et situations de violences : domestique, psychiatrique et coloniale. Il s’agira de questionner la gestion des conséquences de ces violences et de penser leur réparation. L’un des principaux défis liés à la question des réparations est de déterminer qui est responsable de la violence et qui doit donc être tenu responsable des réparations, sachant que les auteurs de violence peuvent être des individus, des groupes ou des institutions. La question des réparations soulève également celle des stratégies à long terme pour prévenir la répétition de la violence. Pour penser les réparations, il s’agit dès lors de reconnaître et de nommer l’existence des violences et leurs effets pervers. Les situations que nous avons choisi d’explorer, à savoir les violences domestiques, les violences psychiatriques et les violences coloniales, sont toutes les trois des violences systémiques, participant au maintien de systèmes de domination sexiste, thérapeutique et raciste. Les qualifier ainsi ne fait pas toujours consensus. Or, cette reconnaissance est un élément essentiel pour élaborer des formes de justice qui cherchent à sortir des cycles de reproduction de la violence : que ce soit en amont, à travers la reconnaissance sociétale (via les normes) de comportements ou d’actes violents, ou en aval, à travers la reconnaissance des faits par les personnes les ayant commises. Ce dossier tâchera d’exposer de manière transversale quelques pistes pour tenter de dépasser les violences et de tendre vers la transformation de ses causes multiples.
L’étude de Mona Malak, qui ouvre ce numéro, se proposera d’analyser le rapport qu’entretient la justice pénale avec les violences conjugales et de questionner le réflexe punitif préconisant un durcissement des peines. Il s’agira de montrer qu’il existe d’autres manières de penser le processus de justice : les justices transformatrice et restauratrice. Le rôle du milieu associatif dans la gestion des conséquences des violences sexistes et sexuelles est également analysé à travers l’exposé du travail réalisé par l’asbl Praxis qui propose des formations de responsabilisation d’auteurs de violences conjugales et intrafamiliales.
S’ensuit un entretien avec le groupe de recherche matrisses qui travaille sur la transmission des outils de la justice transformatrice afin de permettre aux collectifs et aux individus de s’autonomiser de la justice pénale pour prendre en charge, collectivement, des situations de conflits, d’agressions et de violences. Ces réflexions permettent d’aller plus loin dans la compréhension de la justice transformatrice, de sa prise de distance avec la justice restauratrice et de ses applications concrètes dans une variété de situations. Cet entretien aborde alors les enjeux et les questionnements qui peuvent surgir lors de la construction d’un dispositif qui souhaite transmettre et développer d’autres façons de rendre justice.
L’analyse d’Eleni Alevanti porte sur les violences psychiatriques, nombreuses mais rarement reconnues en tant que telles, allant de la violence explicite à des nouvelles formes de négligences de la part des services de soins en santé mentale. L’auteure propose de partir des savoirs et mouvements des survivants pour penser et construire des espaces hétérogènes de solidarité, où usagers et professionnels peuvent se rencontrer sous d’autres rapports et objectifs. Cette piste pourrait constituer une étape déterminante dans le chemin vers la réparation.
Enfin, l’analyse de Gracia Lwanzo Kasongo s’attardera quant à elle sur l’héritage colonial belgo-congolais, marqué par des décennies d’exploitation, de violence et de discrimination. Depuis l’indépendance de la République Démocratique du Congo en 1960, de nombreux efforts ont été déployés pour tenter de réparer les injustices subies par les Congolais. Cependant, ces efforts ont souvent été limités, voire insuffisants, et de nombreuses victimes attendent toujours justice et réparation. L’auteure s’interroge sur le rejet de présenter des excuses comme une nouvelle forme de violence symbolique empêchant des réparations concrètes.
Ce numéro se termine avec deux varia. Le premier varia, de Gabriel Capela propose d’interroger et de repenser la notion de la liberté qui serait l’apanage du vocabulaire conceptuel de la droite. L’auteur défend l’importance, pour la gauche progressiste, de réinvestir une notion républicaine et socialiste de la liberté : celle de liberté comme non-domination. Partant, il offre une interprétation radicale de ce concept dont les conclusions sont manifestement opposées à celles des défenseurs de l’ordre établi.
Enfin, le varia de Benoît Halet, cherche à démontrer que les décalages entre les discours politiques et la réalité ne sont ni accidentels, ni inconscients, mais font partie d’une stratégie consistant à dépouiller un imaginaire vital. Répondre sur le terrain de l’imaginaire serait, selon l’auteur, une stratégie porteuse d’espoir pour les classes dominées ou les individus luttant pour celles-ci.
Se connecter pour accéder au contenu réservé aux abonnés
Contenu | Titre | Aut.eur.rice | Lien |
---|---|---|---|
Éditorial | Au-delà des violences : nommer, réparer, transformer | Secrétariat de rédaction | Lire l’éditorial |
Étude | Violences conjugales : quelle(s) justice(s) ? | Mona MALAK | Lire l’étude |
Entretien | Conflits, agressions et violences : comment les prendre en charge collectivement ? | Mona MALAK | Lire l’entretien |
Analyse | Pour une politique de confluences et de dissensus | Eleni ALEVANTI | Lire l’analyse |
Analyse | Une nouvelle forme de violence coloniale belgo-congolaise | Gracia LWANZO KASONGO | Lire l’analyse |
Varia | Une autre liberté | Gabriel REGO CAPELA | Lire l’analyse |
Varia | La stratégie de la dissonance contre la société autonome | Benoît HALET | Lire la publication |
Travail reproductif : enjeux de valorisation
Ce sixième numéro de Permanences Critiques a pour but de questionner la place du travail reproductif dans notre société contemporaine ainsi que les enjeux de sa valorisation monétaire. Le travail reproductif est celui qui permet le maintien et la survie de la force de travail. Ce travail, essentiellement réalisé par les femmes, a pour caractéristique d’être invisible et sous-valorisé, sinon gratuit. La reconnaissance et la rémunération du travail (semi) gratuit, la revalorisation du travail salarié et les stratégies pour faire face aux crises de la reproduction sociale constituent alors les lignes directrices des analyses présentées dans ce numéro dont la vocation, par-delà l’exposition d’une problématique au cœur des antagonismes socio-politiques les plus contemporains, pourrait être d’engager ses lecteurs et lectrices à questionner le rapport de leurs propres institutions avec la réalité du travail gratuit.
Éditorial
Le dossier de ce sixième numéro de Permanences Critiques, intitulé « Travail reproductif : enjeux de valorisation » a pour but de questionner le travail reproductif dans notre société contemporaine et les enjeux de sa salarisation. Le travail reproductif est celui qui permet le maintien et la survie de la force de travail. Ce travail, essentiellement réalisé par les femmes, a pour caractéristique d’être invisible et sous-valorisé, voire gratuit. La reconnaissance et la rémunération du travail (semi) gratuit, la revalorisation du travail salarié et les stratégies pour faire face aux crises de la reproduction constituent les lignes directrices des analyses présentées dans ce numéro.
Ainsi, le dossier de ce numéro souhaite déplier, pour la penser et lui faire face, l’analyse et les enjeux de la crise de la reproduction sociale, à travers des contributions qui portent essentiellement sur les défis de la valorisation du travail reproductif, et notamment, des enjeux d’un salaire au travail (semi) gratuit.
L’étude de Mona Malak qui ouvre ce numéro, se proposera d’analyser deux revendications pour la rémunération du travail reproductif gratuit : l’allocation universelle et le salaire à vie. Pour ce faire, l’auteure tentera de montrer en quoi la crise du travail reproductif est rendue d’autant plus saillante depuis le covid-19 et appelle à des réponses plus concrètes et matérielles que de simples remerciements. En effet, le covid-19 a rendu visible la place essentielle du travail reproductif dans nos sociétés, mais n’a pas permis d’obtenir des avancées concrètes au niveau des conditions de travail des personnes qui exercent dans ces secteurs. Au contraire, il y a une détérioration progressive de ces conditions et un désinvestissement public qui renvoient une partie de ce travail au domicile, le vouant à être pris en charge gratuitement ou à bas coût. Avant de faire une lecture critique et féministe des revendications d’une allocation universelle ou d’un salaire à vie, l’auteure fait un détour historique pour rappeler une revendication historique qui en avait constitué les prémisses : le salaire au travail ménager.
L’analyse de Maud Simonet, initialement parue dans le premier numéro de la revue Salariat, s’attardera quant à elle sur l’approche féministe du salaire en réactualisant les débats autour d’un salaire au travail ménager, afin de montrer sa puissance subversive. Elle montre comment le salaire joue le rôle de levier de pouvoir, qui peut permettre de négocier les conditions de travail et de subvertir le capitalisme. Aujourd’hui, le salaire au travail ménager a été abandonné comme revendication, mais le mot d’ordre des « wages for » persiste dans d’autres domaines.
La contribution suivante est une analyse des membres de la revue Ouvrage qui porte sur la convergence entre les luttes pour un salaire au travail gratuit et les luttes pour un meilleur contrôle du temps de travail, dans le cadre de la reproduction sociale. L’analyse vise à interroger la possibilité de voir le refus du travail comme une stratégie de lutte contre le travail gratuit. Elles et il examinent, pour ce faire, l’intérêt stratégique de revendiquer un salaire contre le travail gratuit, l’enjeu du temps dans le travail reproductif salarié et les liens possibles entre les désertions massives dans les secteurs du travail reproductif et le refus du travail.
S’ensuit un entretien commenté avec Katarina, aide ménagère dans les titres-services, qui parle de son expérience dans ce secteur subventionné par les pouvoirs publics belges. Elle aborde la difficulté de s’organiser collectivement lorsque le lieu de travail – non reconnu comme tel – est éclaté sur plusieurs sites, et que les collègues ne se croisent que rarement. Enfin, la question de la gratuité dans le travail rémunéré est mise en évidence par la problématique des trajets : le temps de trajet n’étant pas compté comme du travail et le remboursement des frais de transports étant trop minimes par rapport au coût.
Enfin, l’analyse de Mathilde Lucic apporte un regard historique sur le travail des détenus dans les prisons belges, afin de comprendre la place de l’institution carcérale dans nos sociétés contemporaines, en particulier sous l’angle de ces rapports multiples et complexes avec la question de la production et du travail. Cette forme de travail subalterne qui échappe au code du travail et aux normes pratiquées à l’extérieur, répond à des usages particuliers, éclairés par une analyse historique. A partir du concept de déni de travail, le texte s’attarde également sur les enjeux de la reconnaissance du travail des prisonniers.
Ce numéro se termine avec un varia de Cécile Piret, initialement paru en 2019, sur la fast-fashion, qui propose de déconstruire le rapport obscur à l’économie de la fast-fashion par l’interrogation suivante : qu’est-ce qui est (re)produit à travers la fabrication d’un vêtement ? Elle montre comment certains aspects du capitalisme peuvent participer à un sentiment d’impuissance et propose de diriger notre regard sur les rapports sociaux qui soutiennent la production de la marchandise. Comprendre ces rapports sociaux permettrait de sortir de cette impuissance et d’avancer vers des actions d’émancipation sociale et de solidarité avec les travailleurs du secteur.
Se connecter pour accéder au contenu réservé aux abonnés
Contenu | Titre | Aut.eur.rice | Lien |
---|---|---|---|
Éditorial | Travail reproductif : enjeux de valorisation | Secrétariat de rédaction | Lire l’éditorial |
Étude | Rémunérer le travail reproductif ? | Mona MALAK | Lire l’étude |
Analyse | Une approche féministe du salaire comme puissance subversive | Maud SIMONET | Lire l’analyse |
Analyse | Faire revenir le temps payé | Collectif revue Ouvrage | Lire l’analyse |
Analyse | Travail domestique, combat syndical | Mona MALAK et Katarina | Lire l’analyse |
Analyse | Histoire et enjeux du travail des détenus en Belgique | Mathilde LUCIC | Lire l’analyse |
Varia | La fast-fashion : voir au-delà des fétichismes pour agir | Cécile PIRET | Lire la publication |
Travail à distances : l’omniprésence numérique
Ce cinquième numéro de Permanences Critiques invite à réfléchir à ce que l’omniprésence numérique fait au travail. Lorsque, au moyen d’outils numériques, le travail est mis à distance des collègues, du manager, des usagers d’un service, d’une structure d’entreprise formelle, etc., ce sont des environnements de travail entier qui sont refaçonnés, non seulement par la flexibilisation spatio-temporelle qui sous-tend ces modalités de mise au travail, mais aussi parce qu’ils deviennent, de fait, des endroits d’extension du capitalisme numérique. Les contributions de ce numéro en éclairent les différents aspects et réinterrogent sous ce prisme les défis nouveaux qui s’imposent aux mondes du travail.
Éditorial
Le dossier de ce cinquième numéro de Permanences Critiques, intitulé « travail à distances : l’omniprésence numérique », entend interroger les multiples processus occasionnés par la mise à distance du travail par les outils numériques. Lorsque le travail est mis à distance des collègues, du manager, des usagers d’un service, d’une structure d’entreprise formelle, etc., ce sont des environnements de travail entier qui sont refaçonnés, non seulement par la flexibilisation spatio-temporelle qui sous-tend ces modalités de mise au travail, mais aussi parce qu’ils deviennent, de fait, des potentialités d’extension du capitalisme numérique à de nouvelles sphères, et en particulier, depuis la pandémie, à celle de la vie privée et des services publics. Or, cette extension amène avec elle des changements tout à fait singuliers qui défient les dimensions démocratiques du travail et des institutions, qui véhiculent un nouveau modèle idéologique managérial et solutionniste, et qui génèrent, aussi, de nouvelles formes d’exploitation et donc de nouvelles formes de résistances. A l’heure où le travail est de plus en plus effectué et subordonné à distance, d’un spectre allant du télétravail au travail pour les plateformes de livraison, ces processus nous semblent fondamentaux à identifier de manière critique.
À travers des contributions qui sont au croisement du travail et du numérique – parfois plus vers l’un ou l’autre de ces pôles –, le dossier de ce numéro souhaite déplier l’analyse, les enjeux et les pistes politiques pour penser et faire face à cette omniprésence numérique dorénavant inscrite dans le travail.
L’étude de Cécile Piret qui ouvre ce numéro revient sur le fait social d’ampleur qu’a constitué la mise au télétravail de milliers de travailleuses et de travailleurs durant la pandémie. L’auteure propose de l’appréhender depuis l’opportunité qui en a été saisie pour accroître encore davantage l’intrusion de l’économie numérique dans l’organisation du travail. La comparaison entre le télétravail et d’autres formes digitalisées de travail à distance permet alors d’autant mieux d’en identifier les tendances convergentes et les enjeux stratégiques communs pour faire face au déploiement du capitalisme numérique. Dans la continuité des enjeux stratégiques soulevés par l’étude, l’article de Fanny Lederlin part du constat que la pandémie a réveillé la critique du travail. L’auteure en déconstruit les coordonnées idéologiques et politiques et montre que lorsque cette critique se traduit dans l’attrait pour le télétravail ou le travail indépendant, elle est peu à même de se convertir en une amélioration sociétale. L’auteure rappelle ainsi la distinction fondamentale et éclairante pour son actualité, entre une pensée de l’émancipation individuelle des contraintes du travail et celle de l’émancipation collective par le travail.
Les deux contributions suivantes, celle de Gilles Jeannot et l’entretien avec le collectif du Travail Social en Lutte, traitent des effets de l’introduction des intermédiaires numériques dans l’organisation du travail et les relations avec les usagers au sein des services publics. Le premier montre comment la dématérialisation des guichets sociaux affecte avant tout les usagers les plus pauvres et qu’à cette occasion, la fracture numérique elle-même peut se transformer en un marché rentable. L’entretien avec deux militantes du Travail Social en Lutte, Magali Gillard et Nora Poupart, quant à lui, développe ce que cette même dématérialisation fait aux travailleuses et travailleurs sociaux. Lorsque les guichets de ces services restent fermés, s’opère une sous-traitance de l’accueil et de l’accompagnement de ses usagers qui redéfinit les fonctions du travail social, en standardise les tâches, et par conséquent, en approfondit la perte de sens.
Enfin, l’article de Stéphane Couture aborde cette fois comment les outils numériques deviennent des moyens de résistances pour améliorer les conditions collectives de travail, et ce à travers l’exemple des chauffeurs Uber et des influenceuses d’Instagram. Il montre comment les pratiques de déjouement des algorithmes permettent dans ces deux cas aux travailleuses et travailleurs de reprendre du contrôle et de l’autonomie dans leur travail, et propose de les appréhender à travers le concept de résistance tactique pour en soulever les atouts et les limites.
Ce numéro se termine avec un varia où est présenté un entretien de Mona Malak avec Veronica Martinez, directrice et fondatrice de BruZelle qui lutte depuis 2016 contre la précarité menstruelle. Elles reviennent sur l’ampleur du problème de la précarité menstruelle et la constitution de BruZelle en ASBL subsidiée pour y souligner une ambivalence fondamentale : l’aide apportée aux femmes contre la précarité menstruelle est dépendante d’une autre précarité, cette fois associative, qui rend fragile, voire même sabote, les missions que l’organisation se donne.
Se connecter pour accéder au contenu réservé aux abonnés
Contenu | Titre | Aut.eur.rice | Lien |
---|---|---|---|
Éditorial | Travail à distances : l’omniprésence numérique | Secrétariat de rédaction | Lire l’éditorial |
Étude | L’économie du télétravail | Cécile PIRET | Lire l’étude |
Analyse | Ne jetons pas le travail avec l’eau de la critique | Fanny LEDERLIN | Lire l’analyse |
Analyse | De l’administration électronique à la privatisation numérique | Gilles JEANNOT | Lire l’analyse |
Analyse | Quand le digital s’attaque au travail social | Cécile PIRET | Lire l’analyse |
Analyse | Résistances tactiques en contexte de travail numérique | Stéphane COUTURE | Lire l’analyse |
Varia | BruZelle : précarité menstruelle et associative | Mona MALAK | Lire la publication |
Par-delà les discriminations et les privilèges ?
Alors que depuis quelques années, les notions de discrimination et de privilège connaissent un succès grandissant au sein des milieux associatifs et militants, ce quatrième numéro de Permanences critiques invite à questionner les limites de ces deux catégories lorsqu’il s’agit de penser et combattre les phénomènes d’inégalités et de dominations sociales structurelles (classe, race, genre, sexualité). Et si, pour faire réellement advenir une société au-delà des discriminations et de privilèges, il était nécessaire de penser les dominations par-delà ces deux notions ?
Éditorial
Le dossier de ce quatrième numéro de Permanences critiques, intitulé « Par-delà les discriminations et les privilèges ? », entend ébaucher une critique des catégories de discrimination et de privilège à partir desquelles nous, particulièrement dans le secteur associatif et militant, pensons souvent les différentes formes d’inégalité et de domination (de classe, de race, de genre, de sexualité) qui structurent le champ social. Tout en reconnaissant l’intérêt relatif de ces deux notions, les différentes contributions du numéro en interrogent les limites, dans l’objectif de nourrir un débat à la fois théorique et politique, en montrant, à partir de différents points de vue, la valeur irremplaçable d’autres approches critiques du pouvoir et des dominations, qui engagent d’autres perspectives théoriques, politiques et stratégiques que celles qui accompagnent le plus souvent les luttes contre les discriminations et les privilèges. Nous souhaitons ainsi mettre en avant des conceptions davantage systémiques, structurales et matérialistes des inégalités sociales, tout en proposant un effort de clarification conceptuelle et un regard critique sur les limites de ces deux notions actives dans le champ idéologico-politique contemporain que sont la discrimination et le privilège.
Les deux catégories soumises ici à l’examen critique peuvent être suspectées, notamment : d’individualiser la question de la domination et des luttes, au lieu de se placer au niveau structurel et systémique des rapports sociaux ; de véhiculer un schème idéaliste et subjectiviste de la lutte et de l’émancipation par prise de conscience et autoréflexion, en inscrivant épistémologiquement la domination dans le registre de l’illusion et du préjugé, subordonnant ainsi les transformations sociales à une forme de correction cognitive par déconstruction des représentations ; de centrer la critique et la réflexion stratégique sur le point de vue des groupes dominants et privilégiés eux-mêmes, au lieu de penser une émancipation par et pour les groupes subalternes et dominés ; de réifier comme un ensemble de ressources quantifiables et mesurables ce qui devrait plutôt se penser en termes relationnels et dynamiques de rapports sociaux et de pouvoir ; de minimiser la radicalité et l’épaisseur historique des rapports de domination inscrits au plus profond des corps et des psychismes des sujets, en charriant l’image d’une déviation, d’un écart accidentel à une norme égalitaire qui existerait au moins à l’état latent ou virtuel dans les rapports existants, au lieu de saisir le caractère fonctionnel des dominations dans la structure sociale actuelle. Si tout usage de ces deux notions ne tombe pas nécessairement sous le coup de ces critiques, il importe néanmoins de nous demander si, pour faire réellement advenir une société au-delà des discriminations et des privilèges, il ne serait pas nécessaire de penser les dominations par-delà de ces deux notions.
L’étude de Jean Matthys qui ouvre ce numéro propose une reconstruction d’ensemble de la théorie du social et des perspectives de lutte implicitement véhiculées par les notions de discrimination/privilège, afin d’en révéler le caractère idéaliste, individualisant et moral. Défendant au contraire la nécessité d’une approche structurelle et systémique des rapports sociaux de domination, l’auteur invite à reconnaître l’insuffisance des stratégies individuelles, purement subjectives, morales et déclaratives, de lutte contre les discriminations et les privilèges, qui, d’une certaine manière, sont aussi le reflet et le symptôme d’une forme d’impuissance politique caractéristique de notre époque. Il s’agirait alors de poser la nécessité d’une lutte pleinement collective contre les dominations, et d’affronter par conséquent la difficile question des formes d’organisation politique des mouvements de lutte.
Les trois analyses constituant le reste du dossier proposent de compléter et complexifier ce diagnostic critique en l’éclairant, l’enrichissant ou le diffractant depuis différents points de vue.
Dans son analyse, Aurore Koechlin prend pour cible une tendance de certains milieux militants à faire usage de la notion de privilèges pour analyser les dominations sociales à un niveau seulement (inter)individuel, en occultant par là même la question centrale du rôle que jouent les structures sociales dans la production et la reproduction des privilèges. S’il peut être utile de saisir les enjeux à un niveau individuel, il n’en est pas moins nécessaire de ne pas s’arrêter à cette échelle « micro », et de penser les structures (rapports de classe, rôle des institutions et de l’État, etc.) qui déterminent les représentations et comportements individuels. Ce n’est qu’à la condition d’élever le regard et les enjeux des luttes jusqu’à ce niveau structurel qu’il deviendra possible d’en finir collectivement avec une société marquée par une multitude de rapports de domination.
Si l’étude de Jean Matthys et l’analyse de Koechlin insistent sur le caractère structurel des dominations afin de s’opposer à la perspective individualisante portée par un approche en termes de privilèges et de discrimination, l’analyse de Ghaliya Djelloul prend le contrepied et critique au contraire ces deux notions au nom du fait que, malgré leurs mérites, elles tendent à figer et substantialiser le pouvoir des structures « macro », rendant ainsi impensable les puissances de résistance des sujets à un niveau plus « micro ». Les notions de discrimination et de privilèges tendent à faire des sujets subalternes les objets passifs des rapports de domination, focalisant l’attention et la capacité d’action sur les groupes dominants (privilégié·e·s), et ne permettant ainsi pas de reconnaître le savoir et la capacité d’action et de résistance des groupes marginalisés. On pourrait alors dire que, de ce point de vue, parler de discrimination et de privilèges, c’est encore reproduire le discours de la domination sur la domination, c’est-à-dire occuper et valider implicitement le point de vue que la domination elle-même porte sur ses propres normes dominantes, au lieu de partir du vécu des subalternes pour le ramener des marges au centre de la réflexion.
L’analyse de Norman Ajari conclut ce dossier en abordant la question par le prisme spécifique du racisme. Il propose une définition radicale de la domination raciste comme forme d’extraction de quantité et de qualité de vie de populations définies comme inhumaines au profit d’autres groupes sociaux. Les rapports sociaux de race relèvent alors d’enjeux non pas d’abord de reconnaissance, d’identité ou de culture, mais de vie ou de mort. Une telle approche nous enjoint à ne pas occulter les dimensions de déshumanisation et de destruction toujours présentes, d’une manière ou d’une autre, dans les différentes formes de manifestation du racisme – horizon de mise à mort plus ou moins lente ou rapide, susceptible d’accélération et d’intensification à l’occasion de différentes crises sociales, économiques ou sanitaires.
Ce numéro se clôt avec un varia d’Adrien Godefroid qui propose une critique de la notion de fracture numérique, dont il montre qu’elle tend à laisser hors champ la question politique de la désirabilité de la numérisation. À la lumière d’entretiens réalisés dans le cadre d’un travail de recherche, il propose alors d’appréhender les « fracturé·e·s numériques » moins comme les victimes passives d’inégalités en termes de compétences ou d’accès à une numérisation non questionnée, que comme des acteur·ice·s porteur·se·s d’une forme de résistance infra-politique à la numérisation. Cette résistance critique se soutient d’une référence à différents registres de justification proprement politiques dont la prise en compte pourrait ouvrir des perspectives d’alliances stratégiques entre différents groupes de « non-numérisé·e·s » que la seule approche en termes de fracture numérique tend à maintenir séparés.
Se connecter pour accéder au contenu réservé aux abonnés
Contenu | Titre | Aut.eur.rice | Lien |
---|---|---|---|
Éditorial | Par-delà les discriminations et les privilèges ? | Secrétariat de rédaction | Lire l’éditorial |
Étude | Penser et combattre les dominations structurelles | Jean MATTHYS | Lire l’étude |
Analyse | Les limites de l’individualisation des dominations | Aurore KOECHLIN | Lire l’analyse |
Analyse | Par-delà le couple discrimination-privilège | Ghaliya DJELLOUL | Lire l’analyse |
Analyse | Née de la lutte | Norman AJARI | Lire l’analyse |
Varia | Fracture numérique ou résistance ? | Adrien GODEFROID | Lire la publication |
État, associations et stratégie politique
Alors que la crise du Covid19 tend à fortement ré-imprégner le débat public et politique de la question de l’ampleur, des objectifs, des modalités, des effets de l’intervention de l’État dans la vie quotidienne de la population, ce troisième numéro de Permanences critiques entend s’interroger sur les ressources critiques dont disposent la société civile en général et le secteur associatif en particulier pour penser l’État et ses formes contemporaines. Plus spécifiquement, constatant une certaine indétermination du concept d’État dans l’action et la pensée associative, il est ici question de partir des relations ambiguës entretenues par les associations avec l’État pour évaluer quels impacts ces ambiguïtés ont sur leurs orientations idéologiques et stratégiques fondamentales.
Éditorial
Ce troisième numéro de Permanences critiques a pour toile de fond un paradoxe contemporain, dont la pandémie mondiale du COVID-19 n’a fait qu’intensifier la prégnance : alors même qu’on redoute et combat la privatisation galopante de tous les secteurs d’activités qui étaient parvenus à résister à l’offensive néolibérale, celle-là même qui soumet aux logiques du marché capitaliste ce qui pourtant soutient les conditions les plus essentielles de la vie sociale, les interventions renforcées de l’État laissent chaque fois craindre qu’au lieu d’une défense de l’intérêt général ou collectif, l’État n’ait plus rien d’autre à proposer que la répression autoritaire des initiatives opposées à l’extension indéfinie des lois du marché. Pire, sous l’impulsion des urgences sanitaires et des mesures politiques exceptionnelles qui leur correspondent, le discours politique et médiatique semble depuis peu s’être ré-imprégné du trope d’un « retour de l’État social », comme si la nouvelle donne des catastrophes mondiales, tant sanitaires qu’économiques et écologiques, autorisait à faire accroire à la population un retour de l’État providence qui agirait main dans la main avec la société civile pour la mise en place, la préservation ou le renforcement de conditions d’existence décentes pour tous et toutes.
Le point de départ de ce dossier est alors celui d’un premier souci critique : si la question de l’ampleur, des objectifs, des modalités, des effets de l’intervention de l’État émerge à nouveau comme une problématique centrale des débats politiques contemporains, de quelles ressources critiques disposons-nous – membres de la société civile en général et du secteur associatif en particulier – pour penser l’État et ses formes contemporaines ? En d’autres termes, quelle pensée de l’État peut-on retrouver au sein du secteur associatif ? L’hypothèse fondamentale de ce dossier est que, derrière la variation (selon les types d’organisation, leurs finalités, leurs degrés d’institutionnalisation, leurs modes d’action) des idées de l’Etat qui animent ce secteur, se cache une certaine indétermination du concept d’État lui-même.
Poser cette hypothèse devait nécessairement nous conduire à interroger plus radicalement la question du rôle assigné par l’État néolibéral au secteur associatif. Les associations socio-culturelles subsidiées occupent aujourd’hui une position singulière dans la division du travail social de l’État et participent activement à l’élaboration, à l’application et à la consolidation des politiques publiques, autant qu’à la mise en travail critique de ces dernières. Si bien que les luttes associatives, surtout quand elles ont pour objet la transformation des politiques publiques, voire de l’État lui-même, ne cessent d’être traversées par des ambiguïtés qui viennent brouiller leur intelligibilité, sinon leur efficacité. La visée de ce dossier est alors d’analyser la manière dont la relative indétermination du concept d’État, décelable dans beaucoup de propositions associatives et de combats sociaux contemporains, affecte leurs orientations idéologiques et stratégiques fondamentales, ainsi que de fournir quelques pistes pour sortir d’une indétermination conceptuelle, qui est aussi une indétermination stratégique.
En ouverture de ce numéro, l’étude de Nicolas Marion propose une déconstruction épistémologique de la façon dont une pensée de l’État se développe au sein des associations, en montrant comment cette pensée permet en fait – à travers l’(auto)évaluation des associations elles-mêmes – à l’État de se penser lui-même et d’intégrer dans la conception et l’implémentation de ses politiques les formes de résistance des populations soumises à sa souveraineté. L’article propose, notamment, de comprendre les associations comme des appareils idéologiques d’État, c’est-à-dire comme des institutions au travers desquelles l’idéologie des classes dominantes qui détiennent le pouvoir d’État devient hégémonique dans la société. C’est seulement sur la base d’une telle vision désenchantée de la fonction assignée aux associations que des formes de résistances échappant à l’emprise de l’État et de l’idéologie dominante peuvent être réellement favorisées dans et par le champ associatif.
Les trois analyses qui complètent le dossier proposent chacune des pistes analytiques pour penser la question de l’État à la lumière du problème de l’orientation stratégique des luttes qui ont la transformation des politiques publiques et de l’État comme horizon. D’abord, le texte de John Christiaens propose une lecture critique et historique de la façon dont les rapports entre la société civile, notamment les associations, et l’État ont donné lieu, en Belgique, au développement d’un « État intégral ». L’analyse esquisse alors différentes pistes pour penser l’investissement de ces institutions par des stratégies révolutionnaires, en réactualisant les concepts de guerre de position et de front unique.
L’analyse de Fabio Bruschi propose quant à elle de revenir sur un débat intellectuel, à la fois proche et apparemment éloigné de l’état de choses contemporain, qui oppose deux conceptions marxistes du rapport entre la lutte révolutionnaire et l’État : celle du philosophe Louis Althusser et celle du politologue Nicos Poulantzas. Le texte fait le pari que la mise en perspective de la conjoncture politique présente à la lumière des positions stratégiques qui se dégagent de ce débat devrait permettre aux acteurs et actrices des combats sociaux et associatifs de sortir du jeu de miroirs qui renvoient l’une à l’autre leur position de contre-pouvoir et leur intériorisation des exigences de la forme-État.
Enfin, le texte d’Alberto Toscano propose une mise en tension critique des antinomies du pouvoir d’État telles que la crise sanitaire du COVID-19 les a mises en évidence. En particulier, l’article propose – en resituant différentes interventions ayant animé le débat sur ces questions – une déconstruction de deux thèses sur le pouvoir d’État ressaisi sous les auspices de la crise sanitaire mondiale : l’une qui voit dans la pandémie l’occasion d’une consolidation d’un État biosécuritaire dans laquelle se serait engouffrée la grande majorité des gouvernements du monde, l’autre qui affirme que la pandémie serait l’occasion d’un retour de politiques publiques davantage orientées par des motifs progressistes. L’article tente alors de dépasser cette contradiction apparente en comprenant le redéploiement contemporain de l’État comme le dernier recours du capitalisme néolibéral, mais peut-être aussi des luttes révolutionnaires.
Ces différentes contributions permettent ainsi de repositionner la question de l’État comme étant et demeurant l’un des principaux enjeux que doivent affronter ceux et celles qui, par-delà les ambivalences de leurs positionnements, souhaitent s’opposer à ce que Daniel Bensaïd avait joliment appelé l’« éclipse du débat stratégique ».
Enfin, ce troisième numéro de Permanences critiques se clôture par un varia de Claire Gardes qui propose une réflexion politique et philosophique sur l’irréductibilité des luttes sociales contemporaines aux dimensions programmatiques qu’une certaine frange de l’intelligentsia militante, médiatique et politique voudrait leur imposer de l’extérieur.
Se connecter pour accéder au contenu réservé aux abonnés
Contenu | Titre | Aut.eur.rice | Lien |
---|---|---|---|
Éditorial | État, associations et stratégie politique | Secrétariat de rédaction | Lire l’éditorial |
Étude | État et associations – De l’autonomie à l’encastrement idéologique | Nicolas MARION | Lire l’étude |
Analyse | Les associations : produit ou ennemi de l’État intégral ? | John CHRISTIAENS | Lire l’analyse |
Analyse | Retour sur un vieux débat entre marxistes | Fabio BRUSCHI | Lire l’analyse |
Analyse | Derniers recours : Notes sur l’État pandémique | Alberto TOSCANO | Lire l’analyse |
Varia | Tombeau pour les luttes ? | Claire GARDES | Lire la publication |
Éducation populaire et mouvements sociaux du travail
Alors que les mouvements sociaux du travail peinent aujourd’hui à sortir d’une posture défensive et à obtenir de réelles avancées, ce deuxième numéro de Permanences Critiques invite à s’interroger sur la nécessité de dépasser un référentiel d’émancipation hérité de la société du compromis social. En prendre acte constitue un point de départ invitant à repenser la visée de transformation sociale des pratiques d’éducation populaire et de formation des travailleuses et des travailleurs.
Éditorial
Le dossier du deuxième numéro de Permanences Critiques, intitulé « Éducation populaire et mouvements sociaux du travail », entend aborder les nombreux enjeux actuels qui se posent à l’éducation et la formation des travailleurs et travailleuses dès lors qu’il s’agit de penser l’horizon politique des mouvements sociaux du travail. La réflexion sur l’orientation et la visée des luttes autour de la question du travail soulève en effet avec acuité aujourd’hui le problème du dépassement d’un référentiel d’émancipation des travailleuses et des travailleurs qui s’est largement construit dans l’héritage de la société du compromis social ou fordiste : celui d’une émancipation obtenue par la subordination des mouvements sociaux du travail au cadre fixé par le projet de société de la classe dominante. Si ce mouvement d’intégration des mouvements sociaux du travail dans l’horizon capitaliste, tant idéologique qu’institutionnel, a pu, durant quelques décennies, apporter des progrès non négligeables pour les travailleuses et travailleurs, il est, face au néolibéralisme, en crise profonde, et entrave les possibilités de réinventer un référentiel d’émancipation plus à même de répondre aux enjeux globaux que les mondes du travail doivent affronter.
Notre intention a été de rassembler autour de ce numéro des chercheur·euses, militant·es, et/ou formateur·trices issues du secteur de l’éducation permanente qui, chacun·e à leur manière, apportent une réponse située et concrète à cette problématique. À partir de la question du travail, ce sont plus généralement les oppressions continues générées par les dynamiques conflictuelles entre le capital et le travail (sociales, migratoires, écologiques, etc.) et, fondamentalement, l’hégémonie d’une classe sociale sur une autre qui sont mises en avant dans le dossier. En retour, la visibilisation de ces processus permet de construire un regard réflexif sur les pratiques, les limites et les potentialités de l’éducation permanente lorsqu’elle s’adresse aux travailleuses et aux travailleurs.
En début de numéro, l’étude de Cécile Piret développe la perspective du dossier en soulignant, à partir d’un cadrage historique, que le développement de l’éducation et de la formation des travailleurs et travailleuses est étroitement lié à la mise en place des structures de la société du compromis social. Plus particulièrement, en prenant en charge la formation syndicale institutionnalisée dans ce contexte, les organismes d’éducation populaire ont accompagné au premier plan ce mouvement d’intégration du mouvement ouvrier dans le régime fordiste, à l’intérieur comme à l’extérieur des lieux de production. L’étude souligne alors que les transformations néolibérales de l’hégémonie capitaliste dans le sens d’une nouvelle forme de despotisme obligent à interroger la pertinence, du point de vue de l’émancipation des travailleurs et des travailleuses, des résidus actuels de ces formes d’intégration et des formes d’éducation qui leur étaient associées.
Les trois analyses qui composent le dossier apportent des outils méthodologiques et des réflexions théorico-stratégiques afin de repenser des perspectives d’autonomisation de la classe des travailleurs et d’inscrire, par conséquent, l’éducation permanente dans des objectifs renouvelés. D’abord, le texte de Pietro Tosi montre comment des contextes d’exacerbation des oppressions comme celui auquel ont fait face les travailleurs sans-papiers pendant la pandémie du covid-19 poussent autant à un renouvellement des pratiques éducatives et politiques d’éducation populaire plus classiques qu’au surgissement de pratiques d’auto-organisation que les acteurs et actrices de l’éducation permanente se doivent d’accompagner dans une perspective mutualiste.
Ensuite, l’analyse de Jean Matthys revient sur la méthode des enquêtes ouvrières en défendant leur statut de pratique de production collective de savoirs. Alors qu’il existe aujourd’hui un regain d’intérêt pour les enquêtes ouvrières, militantes et populaires, il propose de les considérer comme des outils privilégiés pour mettre en exergue les tensions et les blocages des lieux institutionnalisés de l’éducation permanente afin d’œuvrer non pas à l’amélioration du cadre existant, mais à l’approfondissement de sa crise.
Enfin, la contribution de Nicolas Latteur propose un ensemble de pistes de réflexion pour (re)faire de l’éducation permanente et de la formation des travailleurs des espaces où s’élaborent de nouveaux projets émancipateurs. Il propose de mettre au centre de ces espaces tant les savoirs populaires que les questions stratégiques et plus particulièrement celles opérant à la convergence des luttes. Fondamentalement, penser l’émancipation du travail passe aujourd’hui par un projet de transformation à la fois sociale et écologique nécessitant d’aller au-delà des utopies productivistes et du compromis social-démocrate du passé.
Chacune de ces contributions souligne que les dynamiques d’absorption des visées contestatrices des mouvements sociaux du travail créent toujours, simultanément, des contre-mouvements et des espaces de résistances permettant de poursuivre et d’approfondir la contestation. Nous espérons que ce dossier thématique participe à les entretenir.
Ce numéro se clôture avec un varia de Nicolas Marion qui se penche sur les pratiques de « filtrage » de plus en plus promues, notamment par les grands acteurs numériques, pour lutter contre le complotisme, afin de questionner leur rôle dans la dépolitisation du débat public.
Contenu | Titre | Aut.eur.rice | Lien |
---|---|---|---|
Éditorial | Éducation populaire et mouvements sociaux du travail | Secrétariat de rédaction | Lire l’éditorial |
Étude | D’une hégémonie à l’autre | Cécile PIRET | Lire l’étude |
Analyse | Une lecture gramscienne de l’éducation populaire | Pietro TOSI | Lire l’analyse |
Analyse | Vingt thèses sur l’actualité intempestive de l’enquête ouvrière | Jean MATTHYS | Lire l’analyse |
Analyse | Éducation populaire et émancipation. Quelques pistes. | Nicolas LATTEUR | Lire l’analyse |
Varia | La guerre des filtres | Nicolas MARION | Lire la publication |
Se connecter pour accéder au contenu réservé aux abonnés
Domination digitales, combats numériques
Alors que nous assistons à une expansion sans précédent de l’implémentation des technologies et des logiques propres au numérique, nous affrontons de concert un renforcement de plus en plus explicite de la tendance autoritaire intrinsèque à l’idéologie néolibérale. Ce premier numéro de Permanences critiques fait l’hypothèse que l’intrication forte de ces deux réalités produit des dominations nouvelles et implique, de ce fait, des combats nouveaux. Différentes perspectives sont ici mobilisées pour déconstruire cette problématique et mieux armer celle et ceux qui l’affrontent.
Éditorial
Qu’est-ce que Permanences critiques ?
L’ARC réalise depuis plusieurs années un travail de recherche dans le champ de l’éducation permanente. Ce travail vise à traiter les nœuds problématiques irrésolus que nous imposent nos luttes quotidiennes autant que les ambivalences de nos pratiques et de nos secteurs. Afin de fidéliser nos lecteur·rice·s, de valoriser nos contenus et de fournir un support adapté à un mode de lecture lent, mais aussi afin de diversifier nos perspectives et d’approfondir nos thématiques, nous avons décidé d’inscrire nos recherches dans le cadre d’une revue : Permanences critiques.
Nous souhaitons ainsi contribuer au travail de réflexion propre au secteur de l’éducation permanente et du champ associatif au sens large, en assumant que la complexité des problèmes que l’on se trouve à affronter requiert, aujourd’hui plus que jamais, de prendre le temps du décalage, de l’analyse et de la conceptualisation, de manière à se donner des repères pour s’orienter, sur un temps long, dans les tendances qui animent la société.
Permanences critiques souhaite donc produire des savoirs critiques et permanents.
Critiques, d’abord, car ils abordent les phénomènes sociaux dans leur complexité pour en cerner les structures profondes. Critiques, ensuite, car ils assument leur ancrage dans les mouvements de transformation sociale pour y déployer des perspectives stratégiques. Critiques, enfin, car ils explicitent les arguments qui les soutiennent pour permettre aux lecteur·rice·s de se positionner de manière autonome.
Mais aussi permanents, parce que, tout en prenant leur élan dans l’actualité, ces savoirs ne s’y épuisent pas : leur pertinence ne s’assèche pas avec le passage de l’actualité et ils ne s’exténuent pas à lui courir après à tout prix.
En bref, Permanences critiques affronte des problèmes permanents avec les armes d’une critique permanente.
Notre champ d’analyse est potentiellement infini, mais il n’en est pas moins défini. Alignés sur les thématiques d’action de l’ARC, les objets privilégiés de nos dossiers seront les implications culturelles de la domination du système capitaliste, la numérisation de la société et ses conséquences économiques, politiques et culturelles et, enfin, la représentation des classes populaires en démocratie.
Porté par notre équipe de chercheur·se·s de manière autonome, le travail de Permanences critiques est guidé par un comité éditorial qui, réunissant animateur·rice·s et cadres de l’éducation permanente, ainsi que chercheur·se·s en éducation permanente et académiques, se veut représentatif de l’ensemble de nos exigences.
Chaque numéro de Permanences critiques se structure autour d’un dossier thématique. Celui-ci est composé :
- d’une étude, qui a pour objectif de dégager les aspects fondamentaux d’une problématique, d’en élaborer une critique et d’identifier son impact sur le secteur associatif ;
- de plusieurs analyses, qui se concentrent sur des aspects plus spécifiques de la problématique et/ou l’élucident depuis des points de vue situés.
Enfin, chaque numéro est clôturé par des varia qui, comme le nom l’indique, varient : comptes-rendus, analyses sur d’autres sujets que ceux abordés par le dossier, réactions face à l’actualité, etc.
Dominations digitales, combats numériques
Le dossier de ce premier numéro, intitulé « Dominations digitales, combats numériques », s’axe sur deux aspects fondamentaux de notre actualité politique. D’abord, une expansion sans précédent de l’implémentation des technologies et des logiques propres au numérique compris comme l’ensemble des techniques, des matérialités, des processus (économiques, sociaux, culturels, politiques, etc.), ainsi que des cadres de sens et des choix qui – d’une façon ou d’une autre – dépendent des outils numériques. Ensuite, le renforcement de plus en plus explicite de la tendance autoritaire intrinsèque à l’idéologie néolibérale, portant à libéraliser chaque jour davantage la sphère du marché tout en concentrant de plus en plus les prérogatives de l’État sur ses fonctions régaliennes, le contrôle des populations, l’encadrement des libertés et ce afin d’empêcher la société d’avoir du poids sur la façon dont fonctionne ledit « marché libre ». Dans ce dossier, nous faisons l’hypothèse qu’il existe un lien, voire une intrication forte de ces deux réalités, conduisant à assumer que le complexe qu’elles constituent ensemble produit des dominations nouvelles et implique, de ce fait, des combats nouveaux.
Différentes perspectives ont été ici mobilisées afin de déplier cette problématique qui semble d’autant plus complexe qu’à cause de son actualité brûlante nous avons tou.te.s, en quelque sorte, le « nez dans le guidon ». D’abord, l’étude « L’autoritarisme discret du technocapitalisme », écrite par Nicolas Marion, propose une généalogie croisée et critique de la montée en puissance de cette « technique autoritaire » qu’est le numérique au sein du néolibéralisme contemporain et explore les défis que pose cette intrication techno-politique, notamment au niveau des rapports entre société civile et État. Le texte proposé par Cédric Durand – « L’esprit du capitalisme numérique : la préférence pour le contrôle » – revient de son côté sur les effets très pernicieux de ce technocapitalisme dans l’espace de l’entreprise.
Trois autres contributions vont offrir à ces premiers déplis critiques des perspectives stratégiques pour penser les combats numériques. D’abord, le texte de Fabio Bruschi, « Casser les GAFAM ou socialiser les infrastructures de feedback ? », s’intéresse aux conséquences de l’extension de l’économie numérique à l’intérieur du marché comme organe de coordination sociale. Sur cette base, l’article évalue la portée de certains combats ayant pour horizon la transformation de cette économie : celui de la lutte contre les monopoles et celui de la socialisation des infrastructures numériques. La contribution de Nicolas Alep, auteur avec Julia Laïnae de l’essai Contre l’alternumérisme, esquisse – comme l’indique son titre – « Quelques pistes de réflexion pour une décroissance numérique ». L’auteur propose de montrer toutes les ambivalences charriées par le trope de la « décroissance », dès lors qu’il s’agit d’en faire un outil conceptuel technocritique. Il envisage, à ce titre, les voies d’une authentique désescalade numérique comme horizon de la lutte contre les dominations numériques qui nous occupent. Enfin, l’entretien « Pour un numérique libre, transparent, local et coopératif » revient, avec les initiateurs de la coopérative bruxelloise Nubo, sur les questions soulevées par le dossier dans le cadre de pratiques concrètes où s’élaborent des solutions alternatives aux propositions dominantes du marché numérique. Expliquant les services alternatifs proposés par leur coopérative, l’entretien est l’occasion d’éclairer combien sont sensibles les tendances ici décrites et quels enjeux doivent affronter les acteurs de la société civile qui veulent construire des contre-modèles face au technocapitalisme numérique.
L’intention et l’espoir de ce premier dossier est d’offrir des clés de lecture pour polariser les débats et les combats qui en résultent. En particulier, à l’heure où le « distanciel » s’est institué comme une nouvelle norme, ce numéro fait le pari qu’un outillage critique plus radical permettra à ceux et celles qui affrontent ces réalités au quotidien, notamment mais pas seulement dans les associations socioculturelles, de se positionner plus habilement face aux enjeux fondamentaux que leur adresse l’autoritarisme latent du technocapitalisme.
Enfin, dans la partie Varia de ce numéro, Pauline Feron nous propose un compte-rendu, nourri par ses expériences militantes, du livre : La révolution féministe d’Aurore Koechlin. Elle revient notamment sur l’émergence d’une quatrième vague féministe et sur les enjeux soulevés par la revendication d’une grève du travail reproductif. L’ouvrage de Koechlin permet de saisir tout l’intérêt actuel de repenser la théorie de la reproduction sociale afin de créer de nouvelles convergences dans les mobilisations féministes.
Contenu | Titre | Aut.eur.rice | Lien |
---|---|---|---|
Éditorial | Qu’est-ce que Permanences critiques | Secrétariat de rédaction | Lire l’éditorial |
Étude | L’autoritarisme discret du technocapitalisme | Nicolas MARION | Lire l’étude |
Analyse | L’esprit du capitalisme numérique : la préférence pour le contrôle | Cédric DURAND | Lire l’analyse |
Analyse | Casser les GAFAM ou socialiser les infrastructures de feedback ? | Fabio BRUSCHI | Lire l’analyse |
Analyse | Quelques pistes de réflexion pour une décroissance numérique | Nicolas ALEP | Lire l’analyse |
Entretien | Pour un numérique libre, transparent et coopératif, entretien avec la coopérative Nubo | Collectif | Lire l’entretien |
Varia | A propos de la « Révolution féministe » d’Aurore KOECHLIN | Pauline FERON | Voir la publication |
Magazine | N° 1 – Juin 2021 | Collectif | Voir le pdf complet |
Se connecter pour accéder au contenu réservé aux abonnés
Comité éditorial
Fabio Bruschi • Mario Bucci • Marie Deridder • Adrien Godefroid • Benoît Halet (secrétaire de rédaction) • Nicolas Marion (secrétaire de rédaction, éditeur responsable) • Gabor Tverdota (secrétaire de rédaction)
Édition et diffusion
Permanences critiques est une revue publiée par ARC – Action et Recherche Culturelles, avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.