(Introduction) A quoi nous engage le jeu ?
Jouer est une activité qui engage. Jenova Chen, l’un des plus fameux développeurs et théoriciens de jeux vidéo, a élaboré une théorie qui essaye de comprendre cet engagement, le Flow[1]. Selon Chen, l’expérience d’un jeu réussi est celle où le joueur se perd dans la pratique de jouer, où le monde matériel qui l’entoure devient accessoire et le temps relatif car toute son attention est portée sur le jeu. Cette expérience, c’est le flow, la “zone” où le joueur est submergé par le jeu.
Le concept de flow ne s’applique pas seulement aux jeux vidéo : il dépasse ce cadre et permet d’analyser et de comprendre d’autres pratiques. Si un peintre est en train de “jouer” (dans le sens où il atteint le flow) quand il peint et si un écrivain est en train de se trouver dans la “zone” quand il écrit, la ligne qui délimite les activités ludiques des activités “sérieuses” est, en effet, très difficile à dessiner. Cette bifurcation entre le “réel”/quotidien et le ludique devient encore plus problématique quand nous analysons des pratiques et rites culturels ou religieux. L’historien Johan Huizinga va plus loin, dans son livre Homo Ludens, où il défend l’idée que le jeu n’est pas seulement un produit culturel mais que jouer produit de la culture[2]. Dans ce sens, Chen peut lui même être dans le flow alors qu’il est en train d’élaborer cette théorie ou lorsqu’il développe un jeu. Autrement dit, le caractère ludique d’une pratique quelconque ne veut pas dire qu’elle revient à jouer de manière infantile mais plutôt qu’elle s’engage dans une activité qui produit de la culture.
Ce pouvoir du caractère ludique est connu depuis longtemps et sa mise en place volontaire est ce que nous appelons la ludification. Le but de la ludification est d’introduire des logiques ludiques afin d’influencer le comportement du joueur en dehors des limites du jeu. De l’utilisation de symboles et d’icônes tels que “ amis”, “j’aime”, “cœurs”, “étoiles” ou autres sur les plateformes des réseaux sociaux, aux formations ludiques en entreprise, jusqu’à la mobilisation de telles pratiques dans l’enseignement, l’intégration de logiques et de structures ludiques dans la vie quotidienne est banale. Cette logique n’est pas nouvelle mais l’évolution relativement récente du numérique remet au centre du débat la question des intentions de ceux qui mettent en place ces dispositifs. Ces applications relèvent-elles de mécanismes d’asservissement ou, plutôt, d’un moyen d’ouvrir un nouvel horizon émancipateur pour un meilleur monde à venir? C’est la question à laquelle nous allons tenter d’apporter des éléments de réponse dans ce qui suit.
Les outils pour comprendre l’influence du jeu
Dire que toute l’expérience et l’existence humaine se comprennent par la catégorie du jeu serait réducteur. Pourtantla culture et son caractère ludique font intrinsèquement partie de ce que nous considérons être, de manière abstraite, l’humain. On peut résumer cela en disant que “tout” peut “se jouer” mais que “tout” n’est pas un jeu. La langue anglaise marque mieux cette distinction car elle propose deux mots différents, “game” pour le jeu et “play” pour jouer. Le “game” fait référence à l’objet du jeu, que ce soit un objet matériel ou une structure quelconque, le “game” est une catégorie rigide. A contrario, le “play” fait référence à une manière de s’approprier des règles du jeu et de “faire du jeu” qui s’applique indépendamment de la situation. Si nous prenons un jeu de société comme exemple, le Monopoly, qui porte principalement sur des échanges monétaires, le “game” serait les règles, le cadre “légal” du jeu que nous devons suivre pour pouvoir jouer et le “play”, tous les moyens de faire des accords suspicieux entre joueurs en dehors ou à l’abri du cadre “légal” du jeu. Ceci permet de comprendre qu’il existe une différence entre jouer dans le sens de “participer” (“game”) et jouer dans le sens d’être “pris“ par le jeu (“play”). Cette différence est d’ailleurs particulièrement palpable lorsqu’on tente de définir la fin du jeu : le “game” prend fin selon la définition de la fin par les règles, tandis que le “play” n’est pas fini : on peut imaginer qu’il peut conduire à des disputes en dehors des limites du jeu, par exemple.
Pour analyser sous quelles formes les idées se diffusent à travers le jeu, Bonenfant et Arsenault, deux chercheurs québécois[3], font la distinction entre deux modalités rhétoriques du jeu: la rhétorique procédurale(1) et la rhétorique processuelle(2).
- La rhétorique procédurale pousse à l’engagement pratique du joueur. Cet engagement est plutôt rationnel, il repose sur une explication du “comment faire”. Cette rhétorique conduit à un engagement où le joueur, convaincu que le jeu en vaut la peine et “pris par le jeu”, apprend certaines pratiques, adapte son jeu selon les règles afin d’atteindre son objectif tout en gardant une distance critique par rapport au contenu du jeu. Ainsi, même si le joueur s’engage dans la pratique de manipuler des armes, par exemple, cela ne fait pas de lui un futur tueur. Il peut simultanément évaluer et juger ses propres actions sans nécessairement y mettre fin. Rappelons en effet qu’on peut garder une distance critique par rapport à l’action immorale tout en faisant perdurer celle-ci, pour autant que la mimésis fasse partie de la réalité d’un autre monde, peu ou prou proche du notre, produit par le jeu. Par contre, quand le jeu devient une version alternative de notre monde, on passe d’une rhétorique procédurale à une rhétorique processuelle.
- La rhétorique processuelle est celle qui crée une identité pour le joueur. C’est un discours qui se focalise sur le devenir du joueur. Alors que la rhétorique procédurale “fait faire” certaines choses au joueur, la rhétorique processuelle “fait être”. Cette dernière conduit le joueur à l’immersion: il n’est plus dans le “game” où il joue un simple jeu, il est dans le “play” où le jeu porte un effet sur lui. C’est de cette manière que le même jeu de tir, que nous prenons comme exemple, peut véhiculer des messages haineux ou racistes qui seront adoptés par le joueur et forgeront son identité de manière générale. Les actions immorales ne font plus partie d’un autre monde fictif mais plutôt d’une dimension de notre monde. Dès lors, la réflexion éthique montre que les actions sont problématiques en tant que telles, puisque ces actions amorales sont menées dans une dimension du monde réel.
Ces deux rhétoriques et deux types d’engagement sont difficiles à distinguer de façon claire. Cet espace où s’entremêlent rhétoriques, interactions et fictions, nous pouvons l’appeler l’espace potentiel. Ce concept provient d’un pédopsychiatre, Winnicott[4], qui a donné ce nom à l’espace créé entre une mère et son nourrisson quand ce dernier commence à sortir de l’illusion que le sein de sa mère fait partie intégrante de son corps. Une transition qui est graduelle car la mère continue à répondre aux besoins de l’enfant. Ce dernier se trouve alors, selon Winnicott, dans un espace où l’imaginaire (le sein comme extension de son corps) et le réel (le sein comme partie du corps de la mère) coexistent. Un malentendu fonctionnel s’installe entre l’enfant d’une part, qui essaye d’exprimer ses besoins et d’autre part la mère qui tente d’y répondre le mieux possible. Progressivement, les règles de jeu s’installent et l’enfant passe alors de l’illusion à l’illusio[5] ou, en caricaturant, du fantasme à la réalité et à la croyance en la valeur du jeu [6].
Dans le contexte de cette analyse, nous allons utiliser la version sociologique de ce concept, développée par Emmanuel Belin. Selon Belin « “l’espace potentiel“ n’est pas seulement cette aire où s’enracine l’expérience individuelle; c’est également le lieu où s’opère la transaction sociale, où s’installent les figures de l’intersubjectivité humaine. »[7] On peut en déduire que jouer, c’est poser un acte et par ce fait, se “prendre au jeu”, individuellement ou collectivement. Ceci nous amène à nous poser, très simplement, la question suivante : est-ce que jouer, c’est faire société?
Comme l’illustre le schéma ci-dessous, si le but premier de la ludification est de substituer le réel, il y a deux manières d’y parvenir, d’une part par le passage par un contexte propice à l’apprentissage (play) et d’autre part par l’effacement de la réalité et le maintien du joueur dans une illusion (game).
Vue ainsi, la ludification participe à la vision de vouloir sans cesse améliorer le monde et les individus qui l’habitent. Si l’espace potentiel est la coexistence du mythe et de la réalité, alors dans la ludification, la réalité c’est le caractère ludique et le mythe, l’idée de s’améliorer. Si le but réel est d’influencer le joueur, parlons-nous vraiment de ludification et de jeu ? Les caractéristiques de la rhétorique processuelle sont au centre de la logique de la ludification. L’idée n’est pas de donner au joueur la liberté d’agir dans le monde qui est le nôtre. Tout au contraire, le but est de créer une version altérée de notre monde afin de faire agir d’une manière qui est prédéfinie par le développeur. Certes la ludification peut avoir des résultats positifs quand il s’agit d’activités éthiquement faciles à déchiffrer, comme dans l’exemple de l’enfant qui se lave les dents, mais la manière dont ce dispositif est mis en place conduit à une bifurcation radicale entre l’action et les intentions. Séparer l’acte des intentions et de son sens pour le rendre ludique, c’est retirer la distance critique et l’évaluation que devrait exercer le joueur face à son action. Nous pouvons dire que la ludification est un appel à jouer et à faire société. Son but est principalement d’arriver à convaincre les “joueurs” de changer leur comportement pour s’intégrer dans la société d’une manière présumée optimale. Ainsi, jouer n’est plus une activité en dehors du quotidien mais devient un moyen de sculpter notre vie en société et d’enchanter nos vies. Afin de mieux comprendre la forme que peut avoir ce conditionnement, nous allons prendre un exemple précis. Se laver les dents tous les matins peut être ennuyant pour un enfant qui n’en voit pas l’intérêt. Par le biais d’autocollants, par exemple, cet enfant va pouvoir trouver un intérêt autre pour arriver à faire ce qui, pour lui, est une action profondément ennuyante. On peut imaginer plusieurs situations similaires où la ludification est utilisée pour combattre l’ennui. Cependant si nous revenons à notre exemple, l’enfant, en dehors du bénéfice personnel de se laver les dents tous les matins, participe à la création d’une société plus saine sans nécessairement en prendre conscience. Si la ludification arrive à rendre intéressant ce qui auparavant était ennuyeux, cela veut-il dire qu’elle pourrait faire faire quelque chose à quelqu’un en dehors de sa volonté et forcer la création d’une société nouvelle en écartant toute tension politique?
Ludification : un processus efficace mais problématique
La ludification est (re)devenue un concept important à la suite des grands changements sociétaux qu’a provoqués l’invention d’internet. Le projet d’internet porte en lui-même un bagage idéologique particulier, celui d’une utopie cybernétique[8]. Dans ce contexte, l’auteur et analyste Evgeny Morozov pointe du doigt une tendance idéologique qui consiste à vouloir tout améliorer : le solutionnisme[9]&[10], équivalent à cette idée que peu importe la nature du “problème”, même s’il n’existe pas, il y a, quelque part, sur internet, une solution.
Selon cette vision, “l’internet” devient une sorte de condition sine qua non de notre existence. C’est dans ce contexte – d’extension de notre vie sociale – que la ludification cesse d’être un simple moyen de rendre interactif et drôle l’apprentissage mais peut devenir un outil de subordination. Alors que dans le monde social réel on peut identifier, relativement facilement, la différence entre espace public et sphère privée, cette relation devient floue dans sa simulation qu’est l’internet. Quels sont nos droits? Jusqu’où peut aller le pouvoir des compagnies qui possèdent, font fonctionner et utilisent le réseau à des fins de profit ? Quel est le profit que ces compagnies tirent de la collecte et la vente d’informations personnelles ? Une série de questions de ce type ressortent et nous allons voir comment l’utopie cybernétique promise, supportée par le solutionnisme technologique dont parle Morozov, peut rapidement se transformer en cauchemar.
George Ritzer[11] explique que nous sommes en train d’assister à un réenchantement du monde par l’introduction du spectacle, surtout en ce qui concerne l’incitation à la consommation. Par “spectacle” il faut comprendre la dramatisation consciente ou inconsciente de notre réalité banale. Internet constitue un spectacle à part entière. En dehors de sa nature idéaliste où le mot veut tout et rien dire à la fois (ce fait seul suffit pour dire qu’internet, c’est du spectacle), l’image la plus simple renvoyée par un écran d’ordinateur connecté sur internet est déjà une dramatisation bien travaillée de ce qui réellement est, en fait, une série de zéros et de uns.
Le simple fait de naviguer sur internet peut engendrer par lui-même des profits pour certaines compagnies, en échange de l’usage “gratuit” de leurs services. C’est ainsi que se crée un marché qui a la particularité de mélanger l’acte latent de consommer avec une multitude d’autres pratiques numériques (consulter son courrier électronique, s’inscrire à une newsletter ou à un service gratuit sur internet etc.).
Nous ne sommes pas ici en train de faire le procès d’internet, nous essayons simplement de mettre en évidence la division entre l’objet et le spectacle. Ceci nous aidera à comprendre la double nature de la ludification qui peut à la fois être un puissant outil d’apprentissage, par exemple, mais aussi un outil de l’économie de l’attention[12]. Dans ce contexte c’est “l’attention des auditeurs, spectateurs et internautes qui constitue le lieu principal d’extraction du profit”[13].
Quels usages de la ludification ?
L’enjeu pour l’éducation permanente est important. Le jeu est souvent opposé à la réalité mais ici nous défendons l’idée que le jeu se passe dans l’espace potentiel où le réel rencontre l’imaginaire. Une telle perspective permet de concevoir la ludification comme un mécanisme abstrait qui crée un contexte bienveillant propice à l’apprentissage. L’éducation permanente peut profiter de ce mécanisme car l’éducation, de manière simplifiée, peut être vue comme un espace où l’on se forme sans subir trop directement les conséquences de nos erreurs. L’éducation se trouverait donc entre la fiction et la réalité car elle doit à la fois nous permettre de nous tromper tout en nous préparant à faire face à des situations réelles. L’application de moyens ludiques pour l’apprentissage semble justifiée si le développement et l’épanouissement de l’apprenant en est la fin. A contrario, si les intentions sont autres, on devrait parler plutôt d’un échange marchand ou au meilleur des cas d’un don calculé. La ludification mélange ce qui appartient à la sphère de l’éducation avec des logiques et des échanges marchands.
Selon Wark, la ludification, “ce n’est pas l’économie du don ; cela en est une simulation. Ce n’est pas une activité ludique [play] qui crée son propre jeu [game] ; c’est un jeu qui extrait du travail sous une forme ludique”[14]. Il prétend qu’en réalité la ludification camoufle une forme d’exploitation du travail. A sa manière, il pose la question : y a-t-il une autre fin à la ludification?
Ce que nous sommes en train de discuter ici, c’est de la double dimension de la ludification. Comme nous l’avons expliqué, elle nous amène dans l’espace potentiel à des fins soit d’apprentissage soit, comme le dit Wark, d’accaparation d’un travail. On peut aller plus loin dans cette direction et dire que la mise en place de ce dispositif peut être à la fois émancipatoire et aliénante.
En pratique, la ludification a tendance à effacer le rapport entre joueur et réalité et donc son application dans le contexte de l’éducation pourrait conduire à une déconnexion entre l’apprenant et la réalité. Ceci peut se passer de manière directe, les apprenants veulent jouer plutôt qu’apprendre à travers le jeu, ou de manière indirecte, les apprenants deviennent bons à résoudre un problème sans acquérir la capacité d’évaluer le contexte de l’action qu’ils effectuent ou d’identifier les problèmes en dehors des cas donnés.
L’éducation est censée nous donner la capacité de pouvoir simultanément jouer et redéfinir ce qu’est le jeu. Ainsi, la ludification peut être problématique car, en dehors de sa tendance à simplifier les problèmes (à l’image du solutionnisme), elle réduit les résistances en prenant des distances par rapport à la réalité et en la remplaçant par une simulation, un spectacle. En faisant cela, elle pousse le joueur à accepter la simulation/spectacle comme étant une réalité en soi et, donc, à adhérer à une pensée unidimensionnelle. Or, l’éducation et surtout l’éducation permanente ont comme objectif l’émancipation du participant en développant sa capacité à s’évaluer et à remettre en question ses propres actions et leur contexte.
Utiliser la ludification ne conduit pas nécessairement à une impasse. L’application du jeu comme outil d’éducation nécessite de faire prendre conscience aux joueurs que le jeu s’inscrit dans un contexte particulier et que les actions apprises dans ce contexte peuvent changer dans la réalité. Cette plasticité fait que les joueurs ne sont pas simplement considérés comme des pions mais plutôt comme des acteurs. Ce qui devrait être recherché par l’éducation permanente, c’est de s’assurer de rendre le joueur conscient de son pouvoir d’agir dans mais aussi, et surtout, sur le jeu. Ainsi, le dialogue entre le joueur et le jeu, le sujet et l’objet respectivement, peut exister car les éléments (le jeu/objet et les joueurs/sujet) qui vont faire naître ce dialogue se trouvent déjà dans la ludification. In fine, la ludification est problématique mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas y trouver d’utilité si nous parvenons à engendrer, a priori, un rapport critique chez le joueur.
Conclusion
Nous avons essayé de comprendre en quoi consiste le jeu, à quoi il engage le joueur et comment cela peut l’influencer. Ensuite nous avons parcouru le contexte actuel en analysant l’internet comme idéologie et simulation et en cherchant à montrer en quoi il a favorisé le retour en force de la ludification. Enfin, nous avons vu que le rêve d’une utopie cybernétique est exploitée par certains pour s’approprier notre utilisation de l’internet, notre consommation.
Marc Berdet, dans son ouvrage Fantasmagories du capital, analyse des espaces urbains en utilisant le concept homonyme. Ce terme provient notamment de Walter Benjamin et Theodor Adorno mais, selon Berdet, “Les fantasmagories du capital transforment l’environnement bâti en images de rêve destinées à la foule. Ceux qui construisent ces espaces espèrent bénéficier des hallucinations collectives ainsi engendrées, mais cette magie peut aussi leur échapper…”[15].
La ludification sur l’internet est aussi, à sa manière, une fantasmagorie du capital car elle cherche à illusionner les joueurs, les tromper (que ce soit bienveillant ou non) pour les aliéner et les faire agir dans les intérêts de celui qui la met en place. Cependant, canaliser le comportement des joueurs n’est pas une tâche simple car ces derniers vont s’approprier le jeu de manière différente. Certains vont adhérer au jeu en évitant de questionner leur engagement, alors que d’autres seront beaucoup plus critiques par rapport à leur pratique. L’objectif, ici, n’est pas de classer les personnes dans ces deux (ou potentiellement plusieurs) catégories de joueurs mais de montrer que plusieurs types d’engagement sont possibles. C’est cette plasticité de l’engagement que le pédagogue doit chercher à valoriser car c’est cela qui va briser l’illusion et l’aliénation que crée la ludification auprès du joueur en effaçant la différence entre réalité et jeu, ou de manière abstraite, entre objet et sujet. Enfin, c’est la plasticité de l’engagement qui ouvrira la porte à différentes visions du monde et à un avenir qui échappe à la volonté initiale et privative de celui ou ceux qui ont mis en place les règles de jeu.
- [1] CHEN, J. « Flow in Games. ». 2007. publié sur http://jenovachen.info/ (Consulté le 21/10/2016)
- [2] HUIZINGA, J. Homo Ludens. Routledge & Kegan Paul Ltd. Londres. 1944.
- [3] BONENFANT, M, et ARSENAULT, D. « Dire, Faire Et Être Par Les Jeux Vidéo. » dans Implications Philosophiques [Online]. 2016. URL: http://www.implications-philosophiques.org/ethique-et-politique/ethique/dire-faire-etre-ethique-performativite-et-rhetoriques-procedurale-et-processuelle-dans-les-jeux-video/ . (Consulté le 24/10/2016)
- [4] WINNICOTT, D. W. Playing & Reality. Routledge. Londres. 1971.
- [5] In-ludo qui veut dire littéralement “dans le jeu.” , du latin « in-ludo ».
- [6] La notion, ici, d’« intérêt » et son rapprochement de celle d’« illusio », en tant que produit d’un être-avec-les-autres ou d’un être-dans-le-jeu constitue l’espace potentiel.
- [7] BELIN, E. Une sociologie des espaces potentiels. DeBoeck Université, Bruxelles. 2002. p.64.
- [8] MOROZOV, E. To Save Everything Click Here?, Allen Lane. Londres. 2013.
- [9] Ibid. p.14.
- [10] Cette notion a été développée en urbanisme et vise à désigner une tendance qui consiste dans cette pratique à créer de nouveaux problèmes à force de chercher à toujours améliorer davantage les villes.
- [11] RITZER, G. Enchanting a disenchanted world. Pine Forge. Londres. 2005.
- [12] Concept qui explique le passage à une économie où la source rare n’est plus du côté de la production mais de la réception. Internet offre une vaste quantité de contenu gratuit et donc la valeur produite provient de l’attention des consommateurs qu’ils attirent et qui devient la ressource rare. Le but des entreprises qui participent dans cette économie est de mettre en place des dispositifs, plus ou moins sophistiquées, pour attirer l’attention (par exemple l’algorithme de Youtube qui essaye de garder le plus longtemps possible les visiteurs sur son site internet en leur proposant des vidéos à regarder de manière personnalisée).
- [13] CITTON, Yves. « Économie de l’attention et nouvelles exploitations numériques. » Multitudes 54 (3). 2013. p. 163.
- [14] WARK, M., et DEGOUTIN, D.. “Nouvelles stratégies de la classe vectorialiste.” Multitudes 54 (3). 2013. p. 191.
- [15] BERDET, M. Fantasmagories du capital. Zones. Paris. 2013. p.10